Le salaire de misère des ouvriers de la sous-traitance impacte sur leur alimentation et celle de leurs enfants. Nutrition et santé sont liées. Cette catégorie de la population ne risque-t-elle pas de développer de nombreuses maladies ?
Après plusieurs semaines de mobilisations des ouvriers de la sous-traitance à Port-au-Prince, notamment sur la route de l’Aéroport (la zone industrielle), pour réclamer 1500 gourdes comme salaire minimum, après les propositions du conseil supérieur des salaires (CSS), le gouvernement d’Ariel Henry a répondu et a donné 185 gourdes aux ouvriers protestataires. Ce qui donne un salaire total de 685 gourdes pour une journée de travail. Les ouvriers ripostent et ne veulent pas lâcher prise. Ils annoncent la reprise des mobilisations pour le début mai, si l’Etat ne tient pas ses promesses de les accompagner socialement.
Par contre, la loi sur le salaire minimum prescrit qu’à chaque fois que le coût de la vie subi une augmentation de 10%, l’Etat doit réviser à la hausse le salaire des ouvriers. Pourtant, la dernière intervention de l’Etat pour donner une augmentation de 3 dollars (les fameux 3 ardoquins de Jovenel Moise) remonte en 2019. Donc, avec l’explosion de la cherté de la vie suite à l’augmentation à plus de 100% des prix des produits pétroliers, les ouvriers se trouvent dans une situation chaotique. Ils ne peuvent même pas payer les courses pour aller au travail, car la camionnette a doublé. Ils expliquent : un pâté et une boisson, le matin avant de prendre le boulot, coûtent 150 gourdes puis un chen janbe et un jus à midi pour 350 gourdes sur le montant journalier de 500 gourdes, la balance est zéro. Une preuve qui montre qu’ils marchent à pied pour se rendre au travail.
Mais, avec une balance zéro au quotidien, comment répondre aux besoins de leur famille : au moins manger une fois par jour, payer le logement, l’école des enfants, les soins santé au cas échéant etc. ?
Justice pour les travailleurs
Selon plusieurs économistes intervenant dans la presse sur le dossier croient que ce seraient justice de donner aux travailleurs les 1500 gourdes demandées comme salaire minimum après trois ans sans y ajouter un centime. En octroyant 185 gourdes comme salaire minimum aux ouvriers, l’Etat montre une fois de plus qu’il est irresponsable et que le bien-être de ses concitoyens ne l’intéresse jamais. Alors qu’il a bien travaillé pour appauvrir et rendre misérable la population haïtienne notamment les ouvriers de la sous-traitance, en augmentant à plus de 100% les prix des produits pétroliers.
Nadine, une ouvrière travaillant pour le salaire minimum de 500 gourdes, quatre enfants, explique qu’après avoir acquitté sa dette pour se nourrir dans l’usine, il ne lui reste presque rien pour payer son loyer. Avec l’augmentation accélérée du coût des produits alimentaires, c’est devenu un véritable calvaire pour elle d’aller au marché pour faire des achats en vue d’assurer la survie de ses enfants. Elle confie qu’elle a toujours des dettes cumulées pour l’école de ses enfants. Heureusement, dit-elle, que la direction de cette école n’est pas trop exigeante. La malnutrition pèse lourd sur l’apprentissage de ses enfants, car dans la majorité des cas, ils sont obligés de se rendre à l’école sans rien mettre sous la dent.
Elle craint de tomber malade, elle s’inquiète aussi pour ses enfants. Les liens entre nutritions et santé sont connus depuis longtemps.
Les experts dans le domaine de l’économie sont unanimes : on n’a jamais vu une telle flambée de prix comme on le connaît en Haïti actuellement. Surtout dans l’alimentation. Ce ne sont pas les riches qui auront de la difficulté à se nourrir, mais les familles dans le besoin.
Nadine et sa collègue reconnaissent à quel point il est devenu difficile pour elles de joindre les deux bouts. L’émotion dans la voix, elles disent regretter de ne pas pouvoir permettre à leurs enfants de manger à leur faim à chaque repas. Elles leurs donnent à manger au moins une fois par jour malgré la cherté de la vie même quand elles ont peur de circuler à cause de leurs dettes cumulées sur le salaire de misère qu’elles touchent.
Elles déplorent toutes deux d’aller se coucher régulièrement le ventre vide tous les soirs, ces jeunes ouvrières affamées.
L’ouvrier qui travaille ne mérite-t-il pas son salaire ?
Ronald Singer
singerronald965@yahoo.fr
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