Depuis deux décennies environ, l’embouteillage à Port-au-Prince est devenu un phénomène social présent dans le quotidien de chaque Haïtien. Les marchés sauvages pullulent dans les rues et sur les trottoirs, les routes exigües, les chaussées en mauvais état. Port-au-Prince ne connait pas une seule journée sans engorgement. Automobilistes, motocyclistes et passagers, tous subissent le même sort. On connait le tableau : longues files de voitures avançant à pas de tortue, motards se faufilant entre les voitures pour arriver à destination en un tour de main, feux de signalisation dysfonctionnel voire inexistants.
Définitvement, l’embouteillage dans la capitale impacte grandement sur la santé des citadins.
Conséquences de cet afflux de véhicules sur la santé
Spécialiste en gynécologie-obstétrique de son état, le Dr. Pierre Louis pense que « L’embouteillage est une situation qui arrive à provoquer de graves conséquences sanitaires. Une personne se trouvant face à cet état de façon journalière est aussi exposée au stress : cette pression physique ou morale que l’on ressent en présence d’une situation à laquelle on doit s’adapter. Le stress, c’est le pire ennemi de l’homme. Il est la source de beaucoup de maladies ».
Quel effet produit donc le stress sur nous ? Le gynécologue explique : « Le corps d’une personne stressée secrète plus d’adrénaline que la normale. L’adrénaline c’est l’hormone de performance et d’activation. Lorsqu’il est en trop grande quantité dans le sang, la personne va avoir un comportement nerveux pouvant même déboucher sur des problèmes cardio-vasculaires et respiratoires entres autres. Ce qui nécessite alors des soins rapides et immédiats comme dans le cas d’une personne ayant reçu un projectile et se vidant de son sang ou une femme enceinte parcourant des kilomètres pour trouver une salle d’accouchement ».
Un problème qui affecte tout le monde
Ces bouchons qui paralysent Port-au-Prince et sa périphérie ne laissent aucun répit aux gens. Que vous soyez employés, élèves, étudiants, enseignants, ouvriers, commerçants, policiers, on est tous coincés dans ces routes qui parcourent la ville comme des veines bouchées. Port-au-Prince comme un cœur est congestionné. Tout est bloqué dans la matinée comme dans ces après-midi sans fin. Ce n’est pas sans raison que le peuple appelle l’embouteillage « blocus », terme de guerre pour parler de cette opération visant à couper le ravitaillement ou les communications d’une zone, ville ou pays par la force.
Port-au-Prince, c’est la guerre chaque jour. Jean-Robert, un père de famille qui emprunte la route de Bourdon pour emmener ses enfants à l’école, détaille ses différentes péripéties :« Ma femme coiffe nos filles le soir pour essayer de gagner du temps le lendemain matin. Nos enfants se plaignent toujours d’avoir du sommeil. Malgré tous ces sacrifices, parfois il arrive qu’elles soient en retard à l’école à cause du blocus. »
Après avoir déposé ses enfants à l’école, Jean-Robert prend un tap tap pour se rendre au travail. « Dans la camionette, les passagers sont souvent nerveux. Parfois le chauffeur dérouté par le blocus veut prendre une autre voie, ce qui cause bien de désagréments », se plaint-il.
Les agents de la police, eux aussi se plaignent du phénomène de l’embouteillage. Ils se disent dépasser par l’ampleur de cet engorgement. Opérant dans la commune de Delmas, un policier place son mot sur la question :« À propos de blocus, dans la majorité des cas, les chauffeurs de transport en commun sont en partie responsables de cette situation déroutante. Ils sont impatients, ils ont tendance à ne pas respecter les règles de la circulation. Dès lors, l’embouteillage est inévitable. Malgré notre présence, la situation ne s’améliore pas. Pour moi, le mieux serait de placer des feux de signalisation à chaque intersection. »
Un jeune mécanicien, à partir de son lieu d’expertise, donne son avis sur ce phénomène : « Si le blocus a des répercussions sur la santé humaine, il occasionne aussi de gros problèmes sur les véhicules. Si du côté humain, le stress de l’embouteillage affecte le système cardiovasculaire qui pourrait engendrer une crise cardiaque, des montées de tensions etc, pour les moteurs de véhicules, ce phénomène a de graves répercussions sur les pièces. Ça use les freins, les transmissions, chauffe les radiateurs, l’huile du moteur perd de sa viscosité, le moteur perd aussi de son rendement. Vous savez, un véhicule, c’est la puissance, la vitesse, c’est fait pour courir. »
Poser ce problème de façon rationnelle
Interrogé sur cette question, le vieux routier du Réseau haïtien des journalistes de la santé, Claude Bernard Sérant, se sent mal dans sa peau lorsqu’il s’éternise dans un embouteillage. Il avoue : « J’ai l’impression de perdre mon temps pour rien. Je gaspille de la gazoline, je rate mon rendez-vous. » Que faire face à cette situation ? Pour lui, « Il faut poser ce problème de façon rationnelle. » Aussi croit-il dur comme fer qu’il « faudrait réaliser des études sur le phénomène de l’embouteillage à Port-au-Prince pour savoir combien d’heures un chauffeur passe au quotidien dans un engorgement ? Quelles sont les voies publiques les plus engorgées de la commune de Port-au-Prince ? Combien d’heures un chauffeur qui emprunte la voie Centre-ville – Pétion-Ville passe-il dans un bouchon en un jour, un mois et une année ? Quel impact sur son économie ? »
Autant de questions posées et qui attendent des résultats concrets. En attendant, la pollution, la congestion de nos rues, les stress affectent énormément notre santé.
Esperancia Jean Noël
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