Des lits sans couvertures. Des intracaths vides. Pas une bonbonne d’oxygène. Aucune présence de patients, d’infirmières ou de médecins. Les portes de certains services closes. Dehors, sur la cour, attroupements clairsemés de gens. Ils sont majoritairement composés d’hommes membres du personnel de l’hôpital ou de syndicalistes. Ils discutent près de tas d’immondices. Tableau peu reluisant pour l’HUEH, ce mardi 15 mars.
Depuis quelques semaines, le plus grand centre hospitalier du pays se trouve dans une situation déplorable. Patients, médecins, infirmières et personnels se plaignent de la mauvaise gestion de l’hôpital. De plus, les syndicalistes exigent des conditions de travail plus favorables. Pour mieux faire passer leurs revendications, plusieurs journées de grèves ont été observées.
Grève des syndicats de travailleurs de l’HUEH
Lancée officiellement le lundi 21 février 2022, la grève des Syndicats des travailleurs de la santé de l’HUEH se poursuit. Romelus Winchel, électricien, ancien secrétaire des revendications syndicales de l’HUEH présente toute une liste de problèmes affectant l’Hôpital général : « Nous étions arrivés à un moment où l’hôpital n’avait aucun matériel pour fonctionner. Pas d’oxygène, pas d’intrants, pas de produits de nettoyage pour ne citer que ceux-là. Et, c’est toujours le cas. En plus de cela, le black-out est un problème majeur ici. Les coupures d’électricité peuvent durer près de 12 à 14hres. Les génératrices ne peuvent pas fonctionner faute de carburant »
Face à la cherté de la vie, l’électricien, parlant au nom des autres syndicalistes, exige de meilleures conditions de travail. En plus de la disponibilité des stocks de matériel et du carburant, il réclame un ajustement de salaire et une carte de débit. Néanmoins, il confie être en pourparlers avec le ministre de la Santé publique, le Dr. Alex Larsen, en vue d’une entente qui favoriserait la levée de cette grève.
Grève des médecins
Mise à part de la cessation de travail des syndicalistes s’ajoute celle des médecins. Ce mardi marque la deuxième journée de grève lancée par l’Association médicale haïtienne (AMH), à la suite de l’enlèvement de deux de leurs confrères dans l’enceinte même de leur clinique, afin de protester contre l’insécurité qui sévit dans le pays. Selon Osny Eugène, vice-président de l’AMH, cet arrêt de travail durera trois jours et s’étendra sur tout le territoire national.
Les principales victimes
Le dysfonctionnement des services de l’HUEH a beaucoup d’impacts sur la santé déjà fragile de la population haïtienne. Les groupes vulnérables comme les enfants, les personnes vivant avec une morbidité quelconque, les femmes enceintes etc. sont les plus touchées par cette crise. À la pédiatrie de l’HUEH, on récence déjà des morts. Des bébés sont passés de vie à trépas faute d’oxygène.
Famiola Lucien, une mère ayant parcouru un trajet de combattant, Jérémie – Port-au-Prince pour effectuer des séances de dialyse pour sa fillette de 11 ans hospitalisée depuis trois mois, déplore la passivité de l’État face à la situation dans laquelle se trouve cet hôpital universitaire.
Madame Lucien se dit inquiète pour la vie de son enfant. « Ma fille a une crise de temps en temps. Au moment de cette crise, s’il n’y pas d’oxygène, je la perdrai. J’attends un transfert même si je n’ai pas les moyens pour payer les frais », se désole-t-elle, visage triste. Sans logement, dépourvu argent, c’est une femme aux abois qui lance des appels au secours.
Le système de dialyse de l’HUEH, fait savoir une infirmière de ce service, fonctionne avec seulement trois appareils. C’est dans cette structure où les malades confrontés à l’insuffisance rénale à un stade avancé, condamné à mort, est pris en charge. Graduellement, la fille de madame Lucien, ne perdra-t-elle pas la capacité de ses reins ?
L’État a l’impérieuse obligation de garantir le droit à la santé. Mais dans ce pays, ce droit est bafoué au quotidien.
Espérancia Jean Noël
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