Ici et ailleurs, le maître-mot est: il faut se faire vacciner. Le vaccin anti-Covid-19 présente de nombreux avantages. Il vous protège contre les formes graves de la maladie, vous évite une hospitalisation voire le décès. Cette belle formule toute trouvée devrait drainer la population haïtienne vers tous les sites du pays où les vaccins sont administrés. Or, ce n’est pas le cas. Les médias traditionnelles, pour la plupart, stations de radio et de télévision, ne portent pas encore à leurs lèvres le lambi du rassemblement. Les médias sociaux, pour leur part, enflamment la toile en l’alimentant d’infox à donner de grosses sueurs froides dans toutes les couches de la population. Ces intox font reculer plus d’un.
Dilemme
La crise sanitaire est venue à un moment où la mort est devenue le lot quotidien de notre société. Il fut un temps où la mort d’une personne pouvait alimenter les conversations pendant des mois et attristée les gens. À l’heure du grand banditisme, du kidnapping, du vol, du viol, la mort perd sa charge sémantique ; à l’heure où les médias donnent en spectacle les bandits devenus les stars du crime organisé, la mort devient familier ; à l’heure où, sur la cour de récréation de leur établissement scolaire, les enfants parlent de cadavres dévorés par des porcs sur la voie publique, la mort devient un fait banal. Beaucoup de nos concitoyens se demandent à quoi bon se protéger contre la Covid-19? Quelle tragédie!
À l’heure actuelle, l’insécurité devient la préoccupation centrale du citoyen haïtien.
Mais comment dire à celui qui a pris conscience qu’il est sans défense, sans protection, livré à lui-même, que se faire vacciner confère des avantages?
Trop de chocs ont affecté cette population. Notre société est déséquilibrée, car elle n’a pas eu assez de ressort pour surmonter les chocs traumatiques. La réalité a explosé à notre visage.
Fait
C’est un fait. L’épidémie de Covid-19 en Haïti n’a pas réussi à engendrer une peur bleue dans la population. Il n’y a pas si longtemps, la Commission multisectorielle de gestion du Covid-19 avaient énoncé des prédictions catastrophiques : des millions de personnes seraient contaminées, des centaines de milliers hospitalisées et des milliers de morts juste en quelques mois. Haïti a épargné ce cataclysme. La mémoire collective s’en souvient.
Les autorités sanitaires du pays avaient officiellement déclaré les premiers cas de Covid-19 sur le sol national le 19 mars 2020. À la date du 21 décembre 2021, sur le site du ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP) le bilan est de 765 morts.
Regard
Un regard sur les pays occidentaux dotés de systèmes de santé bien équipés et organisés, le choc était aussi retentissant qu’un séisme dévastateur. Selon la logique de plus d’un experts, Haïti devrait être balayée. Mais comment ce pays aux prises à tant de crises a-t-elle évité le pire?
Dans un communiqué daté du 19 mars 2021 du MSPP, la ministre de la Santé d’alors, le Dr Gréta Clément Roy, avait déclaré : «Sans avoir encore assez d’évidences scientifiques pour expliquer cet état de fait, le MSPP peut signaler entre autres : la mise en œuvre d’un plan de réponse axé principalement sur la surveillance épidémiologique marqué notamment par la recherche et le testing systématique des cas contacts, la prise en charge des cas confirmés nécessitant des soins hospitaliers et la communication constante et continue avec la population sur les principes d’hygiène et les gestes barrières prônés par l’OMS pour limiter la propagation de la maladie. »
Constat
Fort de ce constat, les observateurs, au fait de l’actualité sur les plans national et international, s’arc-boutent-ils sur la base de l’idée selon laquelle Haïti peut bien se reposer sur ses lauriers vu qu’elle avait gagné la première manche face à cette pandémie?
Si l’on se réfère à la fable de la Fontaine, «Il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué».
À un moment où de nouvelles variantes du coronavirus, notamment Delta et Omicron, circulent dans plusieurs pays de la planète, les Saint-Thomas devraient mettre leur barbe à la trempe.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé «Lorsqu’un virus circule activement et cause un grand nombre d’infections, la probabilité qu’il mute augmente. Plus le virus a de possibilités de se propager, plus ses chances de mutation sont grandes.»
De telle probabilité devient inquiétante. Définitivement, rien n’est encore gagné pour l’humanité. La lutte sera longue pour venir à bout du Covid-19.
Ne passons pas par quatre chemins. Admettons que se faire vacciner peut vous sauver la vie. Si vous êtes vacciné, vous risquerez moins de transmettre le virus à vos proches. Les plus irréductibles se fendront de cet argument: «Même en étant vacciné on est pas tout à fait protéger.» Les autorités sanitaires l’admettent tout en soutenant que le vaccin est reconnu comme l’un des moyens efficaces qui existe jusqu’à date.
Pour se protéger davantage, on n’oubliera pas de porter son masque, de se tenir à distance vis-à-vis d’une personne et aussi de bien se laver les mains. Et, bien sûr, se faire vacciner. Ce sont des gestes simples qui sauvent des vies.
Claude Bernard Sérant