Médicaments génériques et essentiels : la bête noire de l’industrie pharmaceutique

 Médicaments génériques et essentiels : la bête noire de l’industrie pharmaceutique

Par Dr Erold Joseph

« Si ce monde sait partager les maladies, il ne partage toujours pas  les traitements »

German Velasquez

Afin que nul ne prétexte d’ignorance

Selon la « Déclaration Universelle des Droits de l’homme et du citoyen » de 1789, tous les hommes sont égaux. En réalité, certains s’avèrent « plus égaux » que d’autres. L’inégalité devant la maladie et la mort, exprimée à travers les indicateurs de santé,  s’avère de jour en jour  de plus en plus criante dans le monde, en dépit des progrès médicaux colossaux. Naitre dans un pays du nord vous garantit une bien meilleure santé et qualité de vie qu’au sud. L’espérance de vie à la naissance dans les  « pays dits ironiquement en développement » est en effet au moins 18 à 20 fois inférieure à celle des pays du nord. Autrement dit, vous mourez en moyenne 18  à 20 ans  plus tôt selon que vous naissez et vivez en Afrique ou en Haïti au lieu de le faire aux États-Unis, au Canada ou en France, d’où l’émigration. Pensez-y la prochaine fois que vous reviendrez. Ces dites « inégalités sociales de santé » proviennent essentiellement du développement économique et, partant, de la différence dans les conditions de vie, lesquelles impactent les multiples déterminants comportementaux et socio-environnementaux de la santé. Quand on tombe malade, le retour à la normale passe essentiellement et immanquablement (pas exclusivement) par la disponibilité des médicaments  à un coût abordable. Toutefois, un  habitant de la planète sur trois n’y a pas régulièrement accès, et les trois quarts vivent dans des pays en voie de développement dans lesquels ne sont consommées que 8 % des ventes mondiales de produits pharmaceutiques.

QU’APPELLE-T-ON MÉDICAMENTS ESSENTIELS ?

Ce sont ceux qui sont les plus importants et urgents pour une collectivité donnée. Généralement, ils sont produits dans les pays avancés et plus précisément, par leurs firmes pharmaceutiques qui disposent de la richesse et de la technologie nécessaires. Ces sociétés à but lucratif les exportent dans les pays pauvres à un coût élevé, généralement  prohibitif. Dans  les années 1970, devant la difficulté pour ces nations pauvres de traiter  leurs malades, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) lance au niveau mondial, la « politique des médicaments essentiels ». Les pays devaient, avec le support de cette institution, constituer une liste des produits de base  les plus importants, en fonction des pathologies les plus courantes chez eux. Il s’agissait de rationaliser l’usage des médicaments. En effet, 80% de ceux qui existent sur le marché ne sont pas vraiment nécessaires. Ils sont généralement le résultat d’un marketing et d’un lobbying intenses visant  à promouvoir la même principe actif sous des formes attrayantes diverses (boite, emballage, couleur, goût..etc), et des noms commerciaux différents, tout en faisant croire qu’il s’agit d’un nouveau produit lequel devient plus cher . En 1977, un groupe d’experts de l’OMS, institution dirigée alors par Halfdan Mahler, établit une liste mondiale modèle de 208 médicaments essentiels c’est-à-dire basiques et vraiment nécessaires. Il  invite les différents pays à agir de même, au niveau local. Tout ceci est officialisé en 1981 par la création du « Programme d’Action pour les Médicaments Essentiels » (PAME). Le PAME avait pour objectif de « collaborer avec les différents  pays en vue d’assurer un approvisionnement régulier, au coût le plus bas possible, et l’utilisation rationnelle d’un nombre déterminé de médicaments et vaccins de qualité acceptable, sûrs et efficaces ». Ces États devaient en même temps élaborer une politique pharmaceutique nationale axée sur ces drogues essentielles et les soins primaires, ce conformément à la Conférence d’Alma Ata de 1978. En Haiti, l’initiative gérée conjointement par le Ministère de la Santé Publique et l’OMS se nomme PROMESS. Cette structure remplace, depuis deux décennies, l’ancienne Agence d’Approvisionnement des Pharmacies Communautaires (AGAPCO). Soulignons que la grande  majorité des médicaments essentiels sont également des produits génériques.

QU’EST-CE QU’UN MÉDICAMENT GÉNÉRIQUE ?

Les grands  inventeurs ont souvent vu leurs nouvelles découvertes volées  par des individus ou organisations qui en ont ensuite injustement profité. Le concept (devenu droit) de « propriété intellectuelle » permet de protéger les premiers. En 1883, la « Convention de Paris »  consacre ce droit qui était alors très lié au commerce et le demeurera jusqu’à nos jours. Le prix Nobel d’économie de 1972, Kenneth Arrow, avait pourtant bien compris la nécessité, d’une part, d’encourager la recherche scientifique et  d’autre part, de rendre les résultats issus de  cette dernière, favorables au bien-être de la société, voire de l’humanité toute entière. Un équilibre extrêmement difficile à trouver ! Pour l’économiste, une nouvelle découverte ne  saurait être prise en charge par le marché (la trompeuse main invisible d’Adam Smith), lequel ne vise que le profit, au détriment de l’équité et de la justice sociale. Ceci s’avère encore plus vrai quand il s’agit de santé, de  médicament et de maladie.

Pour parvenir à l’équilibre profit/équité, il est signé en 1994, en Argentine, à Marrakech, un Accord sur les Droits de  Propriété Intellectuelle touchant au Commerce : l’ADPIC ou « système des brevets ». Cet accord mondial incluait désormais les produits pharmaceutiques (médicaments, vaccins, tests diagnostiques. etc.). L’État subventionne la recherche pour l’industrie pharmaceutique via l’impôt des contribuables. Il contrôle l’efficacité et l’innocuité (effets indésirables) du nouveau produit appelé princeps. La firme détient alors le monopole de la matérialisation et de la vente du médicament, ceci durant une vingtaine d’années. En revanche, elle doit  la rendre accessible à la population locale tant du point de vue du coût que de la quantité. Après ce laps de temps, le brevet se termine. La drogue originale ou  « princeps » peut désormais être répliquée et vendue par n’importe autre structure compétente en la matière. C’est désormais un « médicament générique », peu coûteux, simple, accessible et modestement présenté. Il appartient  désormais au domaine public: l’industrie pharmaceutique a pu en tirer tout son profit. Un médicament générique est donc un médicament original ou « princeps » dont le brevet arrive à expiration après 20 ans de monopole et qui peut désormais être fabriqué par une firme  autre que celle qui l’a inventé. Dans les cas d’urgence (grande épidémie mortelle), l’on a prévu théoriquement  des « licences obligatoires » c’est-à-dire des exceptions prématurées  à la règle du brevet.

PAYS DÉVELOPPÉS ET  PAYS  EN DÉVELOPPEMENT  FACE  AUX BREVETS PHARMACEUTIQUES

L’imposition de l’ADPIC, en 1994, via l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), aux « pays dits en développement », consacrait l’hégémonie des firmes pharmaceutiques issues des pays riches. Pour ces derniers, le brevet constituait une régulation interne efficace allant dans le sens de l’intérêt commun et du bien-être de leur propre population. Quant aux pays pauvres, peu organisés, contraints de modifier leur législation en faveur d’un monopole de deux décennies, ils perdaient  l’accès aux médicaments et donc, aux soins. Ils n’avaient plus que leur médecine naturelle, à cette époque où le VIH/SIDA faisait rage et où les antirétroviraux brevetés ne se retrouvaient que de l’autre côté de la barrière. D’où la phrase célèbre de Bernard Kouchner, à l’époque : «  Les malades sont au sud ; les médicaments sont au nord. ». Jusque-là, certains pays émergents de l’époque, comme le Brésil, l’Inde, la Thailande, disposant de la technologie nécessaire, et  non liés par les brevets, fabriquaient, en copiant ou en utilisant d’autres techniques comme l’ingénierie inverse, des médicaments génériques,  rendant ces derniers accessibles aux « damnés de la terre ». Tout ceci était dorénavant interdit et les pays récalcitrants comme les Philippines,  l’Inde, le Bangladesh et l’Afrique du Sud étaient menacés et classés sur la liste noire des grandes puissances comme les États-Unis et l’Angleterre.

La reconnaissance officielle, en pleine pandémie de VIH, des brevets médicamenteux par les pays du sud, sous la pression des firmes pharmaceutiques soutenues par leurs pays d’origine (ceux du nord), constituait un véritable « hold-up sur le médicament » pour reprendre les termes de German Velasquez, alors  responsable du programme des médicaments essentiels à l’OMS.  Durant ce hold-up de 20 ans correspondant à la durée des brevets, les prix des nouveaux produits, (les antirétroviraux à l’époque) grimpaient régulièrement, rendant ces derniers  inaccessibles aux pays pauvres où les gens mouraient par dizaines de milliers, des infections opportunistes consécutives  au VIH. Pour calmer les ardeurs des activistes antimondialistes de l’époque, l’on créa, (charité oblige) d’abord l’ONUSIDA dirigé par le vénéré Peter Piot, puis le « Fonds  Mondial SIDA, Tuberculose, Malaria »..Ces deux institutions devaient faciliter un certain accès thérapeutique aux pays du sud, Haiti comprise. L’Organisation Mondiale de la Santé, toujours entre l’enclume et le marteau, entre compromis et compromission, se voyait désormais  pratiquement  mise sur la touche  dans la gestion de la pandémie.

COVID 19 : LA LUTTE CONTRE LES MÉDICAMENTS ESSENTIELS ET GÉNÉRIQUES SE POURSUIT

Le Sars Cov2 apparu en juillet 2019, aurait-il subitement changé l’attitude des firmes pharmaceutiques  des pays avancés vis-à-vis des médicaments essentiels et génériques ? Sur le chemin de Damas, ces dernières ont-elles renoncé au brevet, à leurs profits mirobolants, ce au profit de l’équité ? Nullement. Incapables de trouver rapidement une nouvelle molécule thérapeutique efficace, elles ont combattu férocement, avec le support de leur gouvernement, et d’une poignée de scientifiques et d’organisations affiliés,  tout traitement précoce basé sur des médicaments vieux d’au moins un demi-siècle tels la chloroquine et l’ivermectine. Il est certes permis de  douter, scientifiquement parlant, de l’efficacité de ces derniers dans la Covid 19. Mais, ce combat acharné contre des molécules inoffensives et leurs promoteurs,  cette abstention thérapeutique imposée au détriment du serment d’Hippocrate, et par-dessus tout, la création d’une psychose de peur, expliquent, pour une bonne part, le grand nombre de décès observés dans le monde. Tout cela aura facilité la production  rapide d’un certain nombre de vaccins brevetés, prépayés et imposés de force, pourvus d’une certaine efficacité, mais responsables de l’apparition de nouveaux variants. Contre ces derniers, il faudra fabriquer constamment  de nouveaux vaccins et ainsi de suite. Vaccination perpétuelle, comme pour la grippe, et pour tous. Entretemps, de nouveaux antiviraux brevetés  apparaissent régulièrement ces derniers temps et sont approuvés à la vitesse de l’éclair. Tout ceci pour le grand bonheur de l’industrie pharmaceutique, de ses alliés, et pour  la relance de l’économie mondiale….

Dr Erold JOSEPH,

Pneumologue et expert en promotion de la santé

Courriels: eroldjoseph2002@yahoo.fr et eroldjoseph2002@gmail.com

Petite bibliographie

1 Benjamin Coriat et.Fabienne Orsi, Brevets pharmaceutiques et santé publique : le cas de l’accès aux antirétroviraux, Économie publique, no 12, 2003

  1. 2. Pascale Brudon, Médicaments essentiels : le mythe de Sisyphe, open edition, 2001

3.German Velasquez, Origine et évolution du concept du médicament essentiel promu par l’OMS, 1991, 2018

4.German Velasquez, vaccins, médicaments et brevets, l’Harmattan, 2021

4.OMS, Programme mondial à moyen terme, médicaments et vaccins essentiels, EDV/MTP,1991

  1. Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP), Liste nationale des médicaments essentiels, janvier 2020, 2ème édition
  2. Alain Vaguet, L’espace politique des médicaments, open journal, 26 fevrier 2015
  3. 7. Marion Navarro, L’industrie pharmaceutique, Cairn.info, no 5, 2009 n éditions
  4. Didier Raoult et Olivia Recasens, La vérité sur les vaccins, Michel Lafon, 2018

9.Didier Raoul, Épidémies, vrais dangers et fausses alertes,2020

10.Bertrand Russel, Science et religion, Gallimard, 1971

11.Erold Joseph,  le Covid 19 en Le Haiti : quand économie, santé et éducation deviennent antinomiques, in « Écoles et crises sanitaires » ,Chaire UNESCO Education et Santé et Centre Collaborateur OMS, 2020

12.Erold Joseph,  L’évangile du vaccin, in “ Réseau Haitien des Journalistes en Santé (RHJS) » et « Le National Haiti », 29 juillet 2021

 

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