Tandis qu’elles reviennent de leurs activités quotidiennes, des inconnus les ont menacés. Par la suite, ces bandits de grand chemin les ont violées, battues et maltraitées. Aujourd’hui en Haïti, l’insécurité, le kidnapping et le viol font la loi. C’est le lot de souffrance d’une société à genou.
Le nombre de femmes et de filles violées sont en nette augmentation. La montée de ces cas n’a pas réussi à secouer la passivité de nos autorités.
Sophia est l’une des nombreuses victimes du viol qui vient gonfler les chiffres statistiques dans les rapports des institutions publiques et de la société civile. Sophia est doublement victime. Aucune justice ne viendra la libérer de ce traumatisme. Le coup et l’effet du coup pour ces victimes, sans voix, sans force, délaissées, laissent des traces profondes.
Sophia raconte sa mésaventure : « J’ai été violée le même soir qu’Évelyne Sincère a été tuée. Je revenais de mon travail à Delmas. J’étais accompagnée de ma soeur et d’une amie. C’est arrivé entre 10 et 11 heures du soir. Nous attendions un taxi-moto pour nous rendre à Pétion-ville, mais c’était difficile d’en trouver ».
Gentillesse : une stratégie parfois utilisée par les agresseurs
Pour satisfaire leurs désirs, les agresseurs utilisent toutes sortes de stratégie : violence physique, menaces de mort, gentillesse etc.
« Pendant qu’on attendait, une voiture s’est arrêtée devant nous. Le conducteur a proposé de nous déposer. Nous avions hésité puis décliné l’offre. Mais, il a insisté, paraissant soucieux pour notre sécurité. Frappées par sa gentillesse et n’ayant plus d’autres alternatives, nous avions fini par accepter », dit-elle.
Très souvent, les agresseurs agissent en groupe. Ils forment des réseaux pour opérer.
Sophia n’oubliera pas ce soir où tout a basculé. Cet instant est gravé dans sa mémoire. « Tout allait bien, quand soudain, le conducteur prend une autre voie. Agitées, nous essayons de le raisonner, mais lui, il verrouille les portes de la voiture et menace de nous tuer. Il téléphone à quelqu’un pour venir à sa rencontre. La voiture s’arrête dans un endroit isolé, quelque part à Croix-des-Bouquets, selon ma soeur. Un monsieur nous attendait. Une fois sur place, le départage se fait. Le nouveau venu me prend et part avec moi. Le conducteur, lui, s’en va avec les deux autres. »
Le traumatisme chez les victimes de viol
Interrogé sur le phénomène de viol, sujet qu’il a beaucoup traité dans ses papiers, le journaliste senior, Claude Bernard Sérant, déclare : « Le viol est un crime. Cet acte est dégradant et insupportable. Il mine la personne. Il provoque la baisse de l’estime de soi, un sentiment de honte, parfois même des troubles obsessionnels, Des rapports sexuels sans consentement mettent la victime dans une situation proche de l’animal traqué. Peu de victimes arrivent à surmonter ce drame sans un soutien familial, amical ou social. Il y a urgence de lutter contre les violences sexuelles en Haïti. »
Ce souvenir laisse un goût amer chez Sophia. Sa mémoire est marquée au fer rouge. Elle raconte : « L’homme m’a violé. Il a pénétré mon vagin, il m’a aussi pénétré par l’anus. Après avoir souillé mon corps, il m’a largué à Delmas 29. Sur toute la route, il n’y avait aucune présence policière. Je pleurais beaucoup. Je ne voulais pas rentrer chez moi. J’ai dû me rendre chez une amie. C’est elle qui m’a réconfortée et emmenée à l’hôpital. Les deux autres filles, elles-même, ont été battues et maltraitées. »
Les conséquences postraumatiques du viol pèsent sur la victime. Et maintenant avec quel regard Sophia voit-elle les hommes? « J’ai peur des hommes maintenant. Peur qu’ils m’approchent. À la maison, à chaque fois qu’on parle de viol, je pleure, car les images de cette nuit me reviennent. Elles sont encore toutes fraîches dans ma tête. »
Malgré tout, Sophia est une femme vaillante. Elle lutte pour survivre. Elle invite les autres victimes à la suivre dans sa démarche.
« Je sais que peu sont celles qui arrivent à parler de cette expérience traumatisante. Ce n’est pas facile, mais je vous encourage à le faire. C’est pour votre bien. Libérez-vous. Cherchez de l’aide…», conseille cette jeune femme aux victimes rongées par cette blessure.
Marie Juliane David
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