Le forum de la société civile a présenté, le mercredi 6 octobre 2021, à l’hôtel El Rancho, le bilan annuel de l’Observatoire Communautaire des Services VIH (OCSEVIH). Ce tableau reflète la situation des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et des populations-clé dans les centres de Prise en charge.
Selon cette structure d’observation, la situation de prise en charge et de traitement des séropositifs en particulier, les populations clés, se révèle accablante. Aussi, les techniciens, à travers ces résultats de la première année d’observation, proposent-ils des solutions pour une meilleure prise en charge des populations clés dans les institutions de santé.
« Pour réaliser ce travail, notre équipe de terrain a visité au total 41 sites de prise en charge dans trois départements géographiques du pays. Il s’agit des départements de l’Ouest, de l’Artibonite et du Nord, trois des départements les plus affectés par le VIH dans le pays », a fait savoir la coordinatrice de l’Observatoire, Soeurette Policard Montjoie.
Dans ce bilan, elle a insisté sur un point important dans la cueillette des données sur le terrain. « Malgré les injures, les refus, les agressions et les intimidations, nous avons fait un travail extraordinaire : recueillir systématiquement des données sur les différents sites ciblés par l’enquête avec la mise en place de la surveillance dirigée par la communauté (SDC) », a-t-elle fièrement confié.
Cette rencontre, – devant la presse et un parterre d’invités membres de la société civile, du ministère de la Santé publique et des organisations internationales travaillant dans la riposte au VIH – a poursuivi deux grands objectifs :
- Améliorer la riposte au VIH en Haïti
- Permettre aux PVVIH de mener une vie saine et digne.
Stigmatisation et discrimination, deux véritables freins dans la prise en charge des PVVIH et des populations-clé
Selon la sixième Enquête Mortalité, Morbidité et Utilisation des Services en Haïti (EMMUS VI) publié en 2018, la prévalence du VIH sur le territoire national est de 2 % dans la population âgée de 15 – 49 ans. Chez les femmes, elle est de 2.3 % contre 1.6 % chez les hommes de la même tranche d’âge.
Pourtant, force est de constater que cette prévalence est en nette augmentation chez les groupes vulnérables. Elle est est estimée à 8 % chez les professionnels du sexe et environ 12 % chez les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes, a fait remarqué le même rapport d’enquête.
Comment expliquer le tableau de cette situation ?
« Nombreux sont les PVVIH qui ont abandonné leur traitement au cours de route », avoue tristement madame Monjoie.
Le phénomène de la stigmatisation et de la discrimination, les distances extrêmement longues entre le domicile des patients à un centre de traitement, les longs files d’attente et le manque de confidentialité dans la prise en charge, les ont souvent découragés. Chez les populations-clés, cette tendance est très fréquente. Elle est encore plus alarmante surtout si la personne infectée est identifiée en tant que membre de la communauté des LGBTI. Marginalisés, indexés par la société, peu sont ceux qui veulent se faire dépister voire suivre un traitement.
« Si nous voulons une baisse du taux de prévalence du VIH en Haïti, il faut d’abord commencer par changer la perception du personnel soignant, voire la communauté toute entière par rapport à cette couche représentative de la population», a martelé haut et fort la défenseure des droits humains. Sur cette lancée, elle a interpellé des leaders politiques, religieuses et communautaires pour une réelle implication dans cette démarche.
L’observatoire conduit par le Forum de la Société civile s’est étendu à la fois en dedans et en dehors des institutions de prise en charge. « Pendant les trois mois, d’avril à juin, nous avons interrogé 980 patients dont 689 PVVIH. Aussi, nous avons eu des entretiens avec les responsables des 41 sites, des groupes de discussions et des membres de la communauté. Au total, nous avons eu 46 entretiens individuels et 6 groupes de discussions », a fait savoir la directrice des données de l’Observatoire, Joanne Isidor.
Ce travail, reconnait, le président du Forum de la société civile, le Dr Fritz Moise, ne serait pas possible sans l’intervention des différents supporters de l’Observatoire. Aussi a-t-il tenu à remercier le Plan d’urgence présidentiel de la lutte contre le sida (PEPFAR), le plus grand partenaire financier ; le Programme national de la lutte contre le sida (PNLS), Housing Works, l’Organisation de Développement et de Lutte contre la Pauvreté (ODELPA), le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et le Ministère de la Santé publique et de la population (MSPP).
À cette grande première de l’OCSEVIH, des représentants de différents secteurs de la société civile ainsi que des organismes étrangers ont pris part à ce grand événement. Parmi ces cadres ont figuré : Dr Ermane Robin, représentant du PNLS ; Dr Christian Mouala, représentant de l’ONUSIDA ; Hamfrey Sanhokwe, représentant du PEPFAR ; Alfred Marie Gerald, président de l’ACESH (Organisation culturelle pour l’émancipation sociale d’Haïti) ; Erla Pierre, directrice législative chambres des députés ; Hetera Estimphil, Présidente de l’organisation KOURAJ ; Cristobal Dupouy, représentant de l’OEA en Haïti, pour ne citer que ceux-là.
Marie Juliane DAVID