Non-adhérence aux médicaments, une véritable problématique dans la lutte contre le VIH en Haïti

VIH

Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), à travers les objectifs 95-95-95, vise à éradiquer l’épidémie de sida d’ici 2030. Il veut qu’à cette date « 95 % des personnes vivant avec le VIH dans le monde connaissent leur statut sérologique, 95 % des personnes séropositives ont accès à un traitement, et 95 % des personnes sous traitement ont une charge virale indétectable c’est-à-dire incapables de transmettre le virus devenu infiniment petit dans leur organisme ». Cet objectif n’est réalisable qu’avec la participation de tous les pays du monde. En Haïti, le nombre de personnes vivant avec le VIH (PVVIH), respectant à la lettre leur régime thérapeutique, est minime. Seule une faible proportion, soient 60 % des personnes séropositives connaissent leur statut sérologique et est sous médication constante.

La stigmatisation, un grand enjeu dans la prise en charge des PVVIH en Haïti

« Chez nous,   le sida est mal perçu. Les personnes infectées au VIH ont honte de l’avouer par peur d’être rejetée par leurs proches : parents, amis, collègues etc. Ce qui fait qu’elles développent des comportements réticents au dépistage, aux traitements anti-rétroviraux (ARV). Les mythes également y sont pour beaucoup. Des PVVIH ne veulent pas se faire dépister parce qu’elles croient qu’elles sont victimes d’une maladie maléfique. » confie le psychologue Jean Maxime Chéry, cerné de caméras au studio du Réseau haïtien des Journalistes de la Santé (RHJS).

Le psychologue clinicien spécialiste en VIH ajoute : « Ici, lorsqu’une personne apprend qu’elle est séropositive, c’est le désespoir total. Elle sait d’avance que le SIDA est une maladie incurable donc pas de traitement définitif. Ce qui augmente sa réticence à se faire dépister voire à suivre un régime thérapeutique. Le patient séropositif nécessite un grand accompagnement psychologique. Un accompagnement qu’il ne trouve pas. »

Contrairement au diabète ou à l’hypertension artérielle, des maladies chroniques au même titre que cette pathologie, le vih/sida n’a pas bonne presse au regard de la société. « L’histoire de cette maladie est associée à une attitude de libertinage comme la prostitution, l’adultère, l’homosexualité etc. Des actions mal perçues dans la société haïtienne », fait remarquer le mentor clinique du Centre Haïtien pour le Renforcement du Système de Santé (CHARES).

Dr Elisma Marinho, spécialiste en medecine interne et VIH, pour sa part, souligne : « Même dans les relations de couple, la stigmatisation est présente. Par exemple, les femmes ont peur d’avouer à leur mari leur statut sérologique. Pourquoi ? Parce que celui-ci leur accuserait d’être seule responsable. Elles sont même battues par le mari. Juste parce qu’elles ont été fait le test en premier ».

Le traitement thérapeutique pour le sida est long et exigeant. Les PVVIH qui souhaitent devenir indétectables doivent veiller à ne rater aucune dose. Une mauvaise administration des médicaments ARV peut entraîner une mutation du virus. « Le virus est très intelligent, Il peut s’adapter aux médicaments ARV en cas de négligence. C’est ce qu’on appelle mutation du virus. Il devient, dès lors, plus résistant. Et, le PVVIH, à ce moment là, peut developer d’autres infections dites opportunistes et transmettre facilement le virus », a fait savoir Dr Marinho.

Dans la prise en charge des PVVIH, il arrive très souvent que certains patients abandonnent le traitement. Cet abandon est lié à plusieurs raisons.  Dr Marinho explique : « certaines religions qui prétendent guérir le sida et le regard de la société. Dans la plupart des cas, les PVVIH prennent leurs médicaments en cachette.  Sans aucun contrôle stricte. Sur leurs lieux de travail, ils gardent leur séropositivité pour eux-même. Ce qui met en danger leur vie et celle de leur entourage. »

Marie Juliane DAVID

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