Collier tricolore suspendu à son cou, grands boucles d’oreilles blanches contrastant à sa peau noire, longues tresses, lèvres soulignées d’un rouge carmin, Wooselande Isnardin, 22 ans, native de Cabaret, étudiante en Science juridique à l’Université Notre Dame d’Haïti (UNDH), me reçoit dans le salon de sa maison à Bourdon en cet après-midi ensoleillé de ce lundi 2 août 2021.
La jeune étudiante en première année à la Faculté des Sciences économiques, sociales et politiques (FSESP), confie sans ambages : « La Science juridique m’a toujours attiré. Depuis mon adolescence, je brûlais du désir de connaître mes droits et celui des autres. J’ai toujours voulu aider mon prochain. Je voulais surtout aider les femmes, les enfants et les démunis. Voilà mes priorités. Dans notre société, trop de femmes sont victimes de violences ou de préjugés de tous genres ».
En cette période marquée de tensions socio-politiques où toute âme sensible se morfond dans la tristesse, qu’est-ce que cette Casalienne vient-elle faire à Port-au-Prince ?
« À Cabaret, il n’y a pas d’écoles professionnelles voire d’universités », déplore cette jeune fille attachée à sa terre. Dans son petit salon attenant à sa chambre, Wooselande a l’air sûre d’elle-même. Son corsage blanc à large échancrure recouvert d’un chemisier jaune mettant en relief un pantalon noir fait ressortir son visage de poupin.
Wooselande estime que Port-au-Prince, cette ville surpeuplée, hostile, est vraiment loin de Casale où la vie est simple et tranquille. « Dommage qu’il faille rentrer dans cette capitale à haute tension pour faire des études. Si mon avenir n’était pas en jeu, je resterais dans ma douce province où les arbres sont verts, la rivière si limpide et les gens si gentils », se désole-t-elle.
Une enfance loin des tourments de la capitale
Née à Casale, un petit village de Cabaret à 70 kilomètres de Port-au-Prince qui a été longtemps peuplé de soldats Polonais au temps de la guerre de l’Indépendance d’Haïti, Wooselande connait une enfance paisible dans cette localité montagneuse. « J’ai passé toute mon enfance entourée de mes amis dans la fraîcheur des arbres verts, de la douceur de l’eau de la rivière et de beaux paysages », se souvient cette jeune fille qui taquine la muse en marge de ses études en droit.
En 2016, Wooselande termine ses études classiques. L’ancienne élève du Centre de Formation Classique de Cabaret rentre à Port-au-Prince. Désireuse d’améliorer son français, elle intègre la même année l’Institut français en Haïti (IFH). Son passage à l’IFH sera de courte durée. En 2018, ses parents la contraint d’arrêter. Pourquoi cet arrêt si brusque ? « Ma mère m’a dit que le pays est trop dangereux. Pas question de faire l’aller-retour Cabaret-Port-au-Prince », dit-elle sur un ton de regret.
Le kidnapping est à la mode. Les malfrats sont sensibles à la gâchette. Le vol, le viol deviennent monnaie courante dans cette capitale qui montre au fil des années son visage repoussant. Malgré tout, deux ans plus tard, en 2020, elle pose ses valises avec sa petite soeur Danica à Port-au-Prince. Les deux Isnardin ont faim de savoir universitaire. Rien ne pourra les arrêter. Leurs études se déroulent sur un fond de stress. Papa et maman rentrent chaque semaine dans les chaudrons de Port-au-Prince. On doit veiller au grain, n’est-ce pas ?
Avec le soutien d’un ami, Wooselande ira étudier à l’Université Notre Dame d’Haïti et Danica à l’Académie nationale diplomatique et consulaire (ANDC).
« Ma première fois à l’UNDH, lors de la semaine d’intégration, fut un moment éprouvant. Je me sentais étrange. Je n’avais pas encore d’amis. Je ne connaissais personne. Les professeurs étaient intimidants. Les étudiants n’étaient pas sympathiques avec moi », se souvient Wooselande.
Le métier du droit
Depuis l’année dernière, c’est dans ce bâtiment bleu et blanc de deux étages situé à la rue John Brown que Wooselande passe désormais ses journées à apprendre les matières de base : l’organisation judiciaire, l’introduction au droit, le droit civil, l’introduction à la science politique, l’histoire du droit etc.
Jeune étudiante, Wooselande encourage celles et ceux qu’elle côtoie à connaître les lois de la République. « Nul n’est censé ignorer la loi. » Aussi convie-t-elle tout un chacun à connaitre leurs droits et à respecter ceux des autres.
Le métier d’étudiante n’est pas chose facile pour Wooselande. Comment sa journée s’organise-t-elle? À cette question, l’étudiante répond : « J’ai beaucoup de devoirs à faire, beaucoup de textes à lire et à critiquer. »
Comme tout jeune pratiquant l’université, Wooselande a des matières qu’elle aime et d’autres qui lui donne du fil à retordre. « J’ai beaucoup de mal à m’adapter à certains cours comme l’organisation juridictionnelle où le professeur demande d’engager des face-à-face. Des échanges ou l’on doit convaincre l’autre. Le plus convaincant dans la discussion obtiendra la meilleure note », confie-t-elle.
Wooselande, une jeune femme dynamique
En dehors de ses activités académiques, Wooselande trouve l’occasion d’écrire. Elle est l’auteure d’un roman intitulé « Je dois renaître » publié l’année dernière chez les Éditions de la Rosée. Outre ses activités littéraires, elle s’engage également dans le social. À Cabaret, elle fait du bénévolat dans des orphelinats et des ONG travaillant dans la lutte pour l’alphabétisation.
Pour Wooselande, ces années à la fac sont déterminantes. Elle s’accroche à ses études comme à la prunelle de ses yeux.
Marie Juliane DAVID
Discussion à propos de post