Quel est l’impact de la covid-19 sur la santé des personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine (vih) ? Cette maladie infectieuse, respiratoire, pouvant être mortelle chez les patients fragilisés par l’âge ou une autre maladie chronique qui se propage à travers le monde, notamment en Haïti, a mobilisé l’attention à l’Association des femmes haïtiennes infectées et affectées par le VIH (AFHIAVIH) pendant une semaine. Du 30 juin au 6 juillet 2021, au local de l’AFHIAVIH, Bois-Verna, cette interrogation majeure était au centre des journées d’atelier de réflexion. Ces journées de sensibilisation, supportées par l’Institut Panos, Housingworks et Fosref, ont permis à une centaine de femmes de l’AFHIAVIH de recevoir une formation sur la particularité de cette pandémie sur la santé des PVVIH.
« Avec ces ateliers intensifs de sensibilisation sur la covid-19, nos membres sont mieux outillées pour se protéger contre ce nouveau virus qui menace notre population. En plusieurs séances on est arrivé à maîtriser ces recommandations qui protègent la vie. Par la même occasion, nous continuons à prendre nos médicaments pour bloquer le VIH et le rendre indétectable dans notre sang », déclare, visage rayonnant, Malia Jean, la présidente de l’AFIAVIH. « C’était important pour nous de réaliser ces séances de sensibilisation pour ces femmes séropositives considérées comme vulnérables face à la covid-19 », a-t-elle poursuivi.
Activiste dans le mouvement des droits des PVVIH, Malia affiche sa satisfaction. « Nos membres ont participé à toutes les discussions et se sont montrées conscientes du danger que représente la covid-19 pour la santé des personnes infectées au VIH. Une telle initiative entre dans notre engagement pour une vie positive. Cette vie épanouie des personnes séropositives devenues indétectables renforce davantage notre mission dans la communauté », se félicite-t-elle.
Le déroulement des ateliers
Chaque jour, durant une semaine, les ateliers bruissaient de réflexion. Par groupe de participantes – chacune distancée d’au moins un mètre – les séances en atelier se poursuivaient. Dans un espace large, aéré les principes du ministère de la Santé publique et de la population s’observaient.
Gétro Charpentier, l’un des moniteurs, déclare : « Les personnes vivant avec le VIH, en particulier, les populations clés, sont plus vulnérables à la covid-19. Elles nécessitent une attention particulière surtout en matière d’information, d’accompagnement et de vaccination anti covid-19 ». Conseiller en vih et population clé, à la Fondation pour la santé reproductrice et l’éducation familiale, Fosref, Charpentier insiste : « Ces informations que je vous donne ici, je les ai puisées dans le rapport mondial actualisé de l’ONUSIDA sur le vih, publié à la mi-juillet. Ce rapport indique que les personnes vivant avec le VIH sont davantage exposées au risque de contracter la covid-19 sous une forme grave et d’en mourir, mais la grande majorité d’entre elles se voient refuser l’accès aux vaccins contre la la covid-19. Les populations clés et leurs partenaires sexuels représentent 65 % des nouvelles infections au VIH, mais sont largement exclues des ripostes au VIH et à la covid-19. 800 000 enfants vivant avec le VIH ne suivent pas le traitement indispensable pour les maintenir en vie. »
Avec le représentant de la FOSREF, les bénéficiaires de cette semaine de formation sont sensibilisées sur les modes de transmission et les moyens de prévention de la covid-19 ; les impacts du nouveau coronavirus sur les personnes infectées par le VIH, la nécessité de suivre un régime thérapeutique efficace de traitement antirétroviral.
Les propos de la responsable de formation à l’Institut Panos, Dr Soledade Benjamin s’harmonisent avec ceux de Charpentier. En marge de la formation, elle déclare : « L’Institut Panos, dans sa noble mission de plaidoyer et de défenses des droits des personnes vulnérables, dont les PVVIH et les minorités sexuelles, a produit, au cours de l’année 2020, plusieurs capsules vidéos de sensibilisation autour de la campagne Endetektab = Entransmisib (E = E), traduction française : indétectable = intransmissible (I = I). Ces outils de sensibilisation projetés durant toute la semaine de formation ont été d’une grande utilité et source de motivation pour les participantes»
Leçon de la formation
Après une semaine de formation, Daphnée Jean, 36 ans, mère d’un petit garçon de deux ans séronégatif, témoigne : « J’ai appris beaucoup de choses durant cette semaine de formation. Je vais les mettre en pratique. Elles seront bénéfiques pour moi et mon foyer. » Cette jeune mère aujourd’hui indétectable vivant depuis une quinzaine d’années avec le virus déclare : « Nous sommes sorties satisfaites et comblées après cette formation. Nous allons faire en sorte de mettre en application les conseils reçus. »
Avec une prévalence nationale de moins de 2%, selon le dernier rapport du MSPP sur la maladie publié fin 2020, Haïti reste le pays le plus affecté par le VIHdans la région des Caraïbes.
Sur les 160 000 personnes vivant avec le VIH à ce jour, 95% sont sous médicaments antirétroviraux. L’objectif des trois 95 fixé par les autorités haïtiennes de santé dans la lutte contre la pandémie se poursuit lentement sur fond de crises socio-politique et économique. Le décalage profond à combler se décline ainsi : efforts de renforcement des services de dépistage de nouvelles personnes infectées ; encadrement des 95% de personnes sous médicament ARV pour maintenir leur charge virale à un niveau indétectable.
Que pense Malia Jean ? La réponse fuse : « Atteindre cet objectif demande la participation de tout le monde. En ce sens, le partenariat public, privé et organismes non gouvernementaux doit se renforcer davantage sur tous les terrains de la lutte. C’est ainsi qu’on arrivera à éliminer toutes nouvelles infections à VIH dans le pays, d’ici à 2030. »
En activiste aguerrie de la lutte, Malia Jean encourage la mise en place d’une campagne d’information et de sensibilisation sur le nouveau coronavirus. Aussi plaide-t-elle en faveur de la vaccination tous azimuts en Haïti, notamment pour toutes les personnes infectées, les femmes et les populations clés.
Louiny Fontal
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