Les funérailles du Dr Marie Yolène Vaval Suréna ont été chantées, le samedi 5 juin, en l’église St-Louis Roi de France, Ave Martin L. King. Rappelons que le Dr Jeanne Marie Yolène Vaval Suréna a été emportée par le coronavirus, à l’âge de 68 ans. Elle a trépassé comme tant d’autres patients à l’hôpital universitaire de Mirebalais, dans le département du Centre. En effet vendredi 28 mai, 3 heures du matin, elle est passée à l’autre monde. En mémoire de la regrettée, Le Réseau haïtien de Journalistes de la Santé (RHJS) présente un article que Claude Bernard Sérant a déjà publié dans les colonnes du quotidien Le Nouvelliste qui consacre un moment de gloire dans la carrière de cette grande figure de la médecine en Haïti. L’école de santé publique de l’université Harvard aux Etats-Unis avait sacré le Dr Suréna « 2011 Alumni Award of Merit ».
L’école de santé publique de l’Université Harvard aux Etats-unis a octroyé à notre compatriote, le Dr Yolène Vaval Suréna, la distinction « 2011 Alumni Award of Merit », le samedi 24 septembre. Cette distinction décernée à quatre universitaires cette année, E. Francis Cook, Hugh S. Fulmer, William N.Rom et Yolène Vaval Suréna, est la plus haute reconnaissance offerte à un ou quelques anciens étudiants de cette école de Boston dans le Massachusetts.
Depuis vingt ans, cette prestigieuse université américaine décerne annuellement ce prix à ses anciens étudiants de par le monde en reconnaissance d’un excellent travail professionnel accompli dans les domaines de la santé publique, de l’avancement de la science, de l’amélioration des pratiques communautaires, du leadership institutionnel ou de la contribution au développement de futurs professionnels. Une telle distinction a permis au Dr Suréna, nominée par ses pairs, de faire une rétrospective de son passé.
« Cette récompense m’a permis de regarder trente ans en arrière. » En effet, cette étudiante, qui a obtenu son diplôme de docteur en médecine à l’Université d’Etat d’Haïti (UEH) en 1977, a fait du chemin. « Quand je suis entrée le premier jour à l’université Harvard, ma fille cadette n’avait que neuf jours. J’avais accouché le dimanche précédent. J’avais dû accoucher aux Etats-Unis pour pouvoir rentrer à l’université. J’allais au cours à sept heures et demie. Je me rappelle qu’après le cours de huit heures à dix heures, je me dépêchais de rentrer chez moi, courant littéralement dans la rue pour aller allaiter mon enfant. Je suivais mon cours de onze heures à une heure et je redescendais pour l’allaiter à nouveau. C’était un va-et-vient incessant », se rappelle-t-elle. Au bout de quinze jours, n’en pouvant plus, elle appelle sa mère à la rescousse. Etant plus libre, elle a pu achever sa maîtrise en santé publique avec une spécialisation en maladies tropicales. Trois ans plus tard, l’agence américaine Centers for Disease Control and Prevention (CDC) lui a octroyé une bourse d’études. Enceinte à nouveau, elle a choisi de venir accoucher de son troisième enfant en Haïti. Mère de quatre enfants, elle reconnaît que son mari, son père et sa mère ont largement contribué à son succès. « Je dois tout ce que suis à mes parents et à mon mari qui m’ont toujours épaulée », dit-elle, tout en rajustant ses lunettes.
Les deux amours du Dr Yolène Vaval Suréna
L’histoire de cette femme très connue en Haïti pour ses deux amours (la protection civile et la médecine) aurait pu ressembler à celle d’autres femmes haïtiennes. Dans la pratique courante, une jeune femme, après avoir enfanté, tourne généralement le dos aux études. Le Dr Suréna, courageuse, a toujours persévéré. On la voyait à la télévision monter au créneau, surtout lors des catastrophes naturelles, cyclones, tremblement de terre, etc. En effet, elle mobilise, sensibilise la population, conseille, prend des décisions de concert avec les autorités publiques. On l’a vue, infatigable, dès les premières heures du tremblement de terre du 12 janvier 2010 aux côtés des victimes de la population. L’arrière-cour de sa maison à Debussy a été pratiquement transformée en hôpital de campagne.
Pour beaucoup d’Haïtiens, la personne du Dr Suréna se confond avec l’institution gérant les risques et les désastres en Haïti. En effet, cette petite boule d’énergie a été la cheville ouvrière dans la mise en place de la Direction de la protection civile qu’elle a dirigée jusqu’en 2002, année où madame Alta Jean-Baptiste a pris la relève. Avant de concevoir et de mettre en place la Direction de la protection civile, elle a été, de 1991 à 1998, la directrice de la Direction de la planification du ministère de la Santé publique et de la Population.
Bouillonnante d’activités, elle a travaillé sur le Projet d’urgence et de gestion des risques et des désastres (PUGRD), projet qui apportera au pays, entre autres, un code de construction et qui est financé par la Banque mondiale. À côté de sa passion pour le domaine de la protection civile, elle a consacré aussi son énergie à l’enseignement. Femme de deux amours, elle a enseigné la santé publique à la Faculté de médecine de l’U.E.H. depuis 1979. Depuis quelques années, elle occupait une chaire de professeur en parasitologie à l’université Quisqueya.
En trente ans d’expérience, le Dr Yolène Vaval Suréna a offert un champ d’investigations sur ses activités à ses pairs de Harvard. Ces derniers ont épluché au préalable son parcours en vue de lui conférer cet « Alumni Award of Merit », honneur qui a été salué par feu le président René Préval et les ministres de l’Intérieur et de la Santé publique d’Haïti d’alors. Au passage, on notera qu’au début des années 80, elle avait travaillé au Service national d’éradication de la malaria ; par la suite, elle est devenue directrice de la région de l’Ouest du MSPP. On l’a repérée sur son parcours dans plusieurs postes de bénévolat comme celui d’assistante puis de directrice de la section médico-sociale de la Croix-Rouge haïtienne ; c’est dans cette institution qu’elle a fait ses premières armes en matière de gestion des désastres. Récompensée par l’université Harvard pour son leadership, le Dr Yolène Vaval Suréna, fille née des œuvres d’Ernest Vaval et de Jeanine Laroche Vaval, a réalisé qu’ « aux côtés de toute grande femme, il y a un grand homme. Celui-ci, dit-elle, les yeux rêveurs, est l’inégalable Dr Claude Suréna, mon mari qui m’a toujours encadré et m’a inspirée : je suis sa trace dans le service à la collectivité », avait-elle confié.
Claude Bernard Sérant
Source : www.lenouvelliste.com