A l’initiative du forum de la société civile de lutte contre le VIH, la Tuberculose et la Malaria et avec le support financier de COIN , 85 personnes issues de plusieurs secteurs des organisations de la société civile haïtienne, ont pris part ce vendredi 21 mai 2021, à une rencontre d’échange sur le rôle des OSC dans la mise en place des stratégies innovantes et de plaidoyer, en vue d’accroître les ressources qui leur sont attribuées dans le cadre des financements de programme lié à la riposte au VIH.
C’est le président du Forum de la Société Civile de lutte contre le VIH, la Tuberculose et la Malaria, Dr Fritz Moïse, qui a donné le coup d’envoi de la rencontre.
Le numéro un de la Fondation pour la santé reproductrice et l’éducation familiale (FOSREF), a salué cette initiative qu’il qualifie d’innovante et qui aura, selon lui, des retombées significatives dans les efforts de renforcement des capacités des OSC, en vue d’une plus large disponibilité des ressources.
« Vous avez chacun votre responsabilité dans cette démarche. De nos jours, les ressources attribuées dans la riposte au VIH sont limitées. Mais, la mise en place des stratégies d’allocation innovantes des ressources disponibles peut faire la difference », a insisté Dr Fritz Moïse.
Au cours de cette journée de travail à l’Hôtel Karibe, Pétion-ville, plusieurs thèmes liés aux différents concepts de stratégies innovantes ont été traités. A travers ces interventions, les participants, issus d’organisations de femmes, de jeunes, de PVVIH, de professionnelles du sexe, de religieux, de minorités sexuelles et de médias, les ONG, les Sages-femmes , les LGBTIQ, le secteur culturel, le secteur privé, ont été amenés à comprendre et analyser les concepts de : multi-sectorialité – décentralisation – plaidoyer – entrepreneuriat social.
La maîtrise de ces concepts clés de développement, selon les intervenants, devra permettre, dans les jours à venir, une meilleure implication des OSC dans la riposte au VIH en Haïti.
L’entrepreneuriat social, pour une autonomisation des OSC
« De nos jours, les organisations de la société civile font face à d’énormes difficultés de fonctionnement. Dans le secteur du VIH, le constat est encore plus criant. Le peu d’organisations qui arrivent à tenir le coup, dépendent exclusivement de l’aide internationale. Pourtant, il existe une solution à ce manque d’autonomisation des OSC», a déclaré Ernest Louis, un entrepreneur social.
Pour ce farouche défenseur de ce concept en Haïti, les organisations de la société civile n’arriveront jamais à une réelle autonomisation financière, sans une prise de conscience collective sur la façon de concevoir les modèles d’économie de développement durable.
«Sur les dix dernières années, les entreprises sociales ont créé 2,5 fois plus d’emplois que les entreprises classiques. Elles répondent à des besoins durables et se spécialisent dans des secteurs d’avenir comme le développement durable, la croissance verte ou encore l’économie circulaire. C’est le cas par exemple, en Inde, en Chine et même en France », a souligné Louis.
L’entrepreneur social en a profité pour expliquer que le concept d’entrepreneuriat social se caractérise principalement par la volonté de soumettre la performance économique aux critères de l’intérêt général. Aussi, fait-il remarquer que le profit généré n’est plus le but ultime de l’entreprise, mais un moyen de réaliser des objectifs plus larges relevant de priorités sociales, sociétales et/ou environnementales.
Les participants s’engagent
Pour rendre concrètes les différentes informations qui ont été véhiculées au cours de la journée, quatre groupes de travail ont été constitués, avec chacun, une vingtaine de participants. Chaque groupe était amené à travailler sur l’un des quatre thèmes débattus.
A l’issue de la rencontre, les participants ont formulé des propositions et des pistes de solutions susceptibles de permettre aux OSC impliquées dans la riposte au VIH, d’être plus performantes sur le plan technique et financier.
Pour présidente de la fédération des associations de PVVIH en Haïti, (FEDHAP+), Malia Jean, les points débattus à cette rencontre d’échange sont parfaitement liés aux revendications défendues par les associations de PVVIH, depuis ces 20 dernières années. « Comment pouvons-nous continuer à compter sur l’aide internationale, pour la prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH ? Où est la responsabilité de nos autorités dans tout ça ?», s’interroge perplexe Malia Jean.
Par rapport à la crise sociopolitique mondiale et la diminution de l’aide internationale dans la riposte au VIH, dans le pays, l’activiste du sida se dit inquiète quant à l’avenir des 160 000 PVVIH que compte le pays, dont environ 112 000 sont, jusque-là, sous médicaments antirétroviraux (ARV). Malia Jean qui vit avec le VIH depuis plus de 25 ans, dit compter sur ces initiatives, pour une responsabilité réelle de l’Etat et des organisations de la Société Civile, dans cette lutte.
Les réactions de la présidente de la fédération des organisations de femmes pour l’égalité des droits humains, Novia Augustin, ne sont pas différentes. Pour la défenseure des droits des femmes, faire des plaidoyers pour une augmentation des ressources allouées aux OSC dans le cadre des financements de la riposte au VIH, exige une prise en compte de tous les secteurs de la vie nationale, les femmes, particulièrement.
« S’il y a un secteur qui ne doit vraiment pas être négligé dans les actions visant le contrôle de l’épidémie à VIH dans le pays, c’est le secteur de la femme. En plus qu’elles soient majoritaires dans le pays, les femmes, de par leurs responsabilités familiales, constituent un élément moteur dans le développement des communautés.», insiste Novia Augustin, indiquant que ces dernières doivent être considérées comme des partenaires du processus décisionnel, au même titre que les hommes.
Un autre secteur qui ne doit pas être mis de côté dans les stratégies de plaidoyer, est celui des minorités sexuelles, communément appelé LGBTIAQ + (Lesbiennes – gays – bisexuelles – trans – intersexes) et les professionnels du sexe.
Dominique Saint-Vil, transgenre et activiste des droits des LGBTI en Haïti, plaide en faveur de l’encadrement des organisations constituées de populations clés. « C’est un impératif pour nous au sein de la communauté des LGBTI d’être plus impliqués dans les efforts pour une société plus juste et égalitaire. C’est notre ultime plaidoyer. Sans un combat effectif pour le respect des droits de tout un chacun, on n’arrivera jamais à la construction des OSC fortes, capables de mettre en place des projets viables en matière de lutte contre le VIH dans le pays.», a-t-il fait valoir.
Selon le dernier rapport d’enquête sur la mortalité, la morbidité et l’utilisation des services (EMMUS VI), publié en 2018, la prévalence du VIH, chez les homosexuels, faisant partie des minorités sexuelles, est de plus de 12%. Alors que chez la population globale, elle est en dessous de 2%.
Dans le cadre de la mise en place de ces stratégies innovantes de plaidoyer, pour une plus large disponibilité des fonds allouées aux OSC pour le financement des activités de riposte au VIH, d’autres rencontres en petits groupes de travail entre les différents secteurs concernés, sont prévues dans les jours à venir.
Pour la directrice exécutive de l’Organisation de développement et de lutte contre la Pauvreté (ODELPA), Soeurette Policar Montjoie, l’une des institutions du Secrétariat exécutif du forum, ces rencontres ont pour finalité, la création des sous-comités techniques pour le fonctionnement et le suivi des activités du forum.
Louiny FONTAL (fontallouiny1980@gmail.com)
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