Le coronavirus, minuscule entité, s’est immiscé dans nos vies, celles des grands aussi. Elle fraie une place avec une telle violence… Malgré tout l’arsenal scientifique, technologique et nucléaire dont le monde dispose, il nous mène par le bout du nez. Sans un coup de canon, il inflige peine et peur dignes de la puissance destructrice de toutes les armes chimiques et nucléaires du monde entier réunies.
Tels des moutons apeurés, accrochés à la vie, nous changeons nos habitudes, nos modes de vie… Nous acceptons, malgré nous, d’échanger même notre droit à la libre circulation contre notre propre survie. À la mort, nous préférons le confinement. Voici le mot. Celui qui, depuis l’apparition de ce nouveau fléau, s’est hissé au sommet d’une popularité de classe mondiale.
À dire vrai, pour nous autres haïtiens, nous expérimentons ce phénomène depuis bien avant. Sous une autre appellation, il est vrai. Mais nos différents épisodes de « peyi lock » ne sont pas si différents du « confinement ». En tout cas, ce rapprochement constitue, en quelque sorte, la toile de fond du livre « Confinement ou la croissance d’un peuple confiné » de Maurice Jacques.
Il s’agit en effet d’un texte de 129 pages et six chapitres publié chez Pro Éditions, en décembre 2020. Préfacé par l’ancien ministre haïtien de la Planification et de la Coopération externe, Me Aviol Fleurant, le livre invite les lecteurs à observer le peuple haïtien dans sa souffrance, sa vigueur et sa fierté. « Nous vous invitons à regarder ce peuple, à l’observer, à sentir son souffle et simplement à le comprendre. Je vous convie à ressasser son histoire, à savourer les pages les plus délicieuses. Cette histoire qui s’est forgée dans le sang d’un peuple qui, depuis sa naissance, s’est plongé dans une interminable lutte pour défendre la liberté, que les ancêtres nous ont léguée au prix de tant de sacrifices humains», écrit-il d’entrée de jeu.
À travers son œuvre, Maurice Jacques, docteur en psychologie éducationnelle et professeur d’université, dit vouloir réaliser une étude ou une analyse du peuple haïtien. « Une sorte d’anamnèse qui décrirait sa situation, sa personnalité ou son processus de développement», explique-t-il.
Dr Jacques ne cherche à culpabiliser personne, dit-il. «Il est impossible de se lancer dans une telle entreprise et demeurer insensible aux malheurs du peuple haïtien», estime-t-il. Il cherche de préférence, témoigne-t-il, la possibilité de s’interroger, de parler à lui-même et de s’adresser aux autres par l’écriture, de «partir sans s’en aller, de faire du tourisme sans risque».
Covid-19 vs peyi lock
Pour Maurice Jacques, en Haïti, la politique rime avec «sciences meurtrières». «Elle se présente, dans tous les cas, avec un visage impossible à cerner mais elle est toujours armée, fait peur aux plus braves, effraie les plus belliqueux, met à genoux la majorité des sans voix, corrompt même les moins corruptibles», regrette le psychopédagogue. Si l’auteur dit reconnaître la grandeur des sciences politiques, il peine à comprendre qu’ici, elle nous empêche de circuler. «Elle nous parle de démocratie et nous condamne à trois (3) mois de réclusion dans notre propre maison. Elle nous parle de liberté et nous fait peur quand il faut exprimer nos opinions», fustige l’auteur.
Si le confinement que les autorités ont tenté, en raison du coronavirus, n’a pas marché, des politiques ont réussi à l’instaurer pour d’autres causes sous une forme ou une autre. Ce que l’auteur ne voit pas d’un bon œil. « En Haïti, les hommes et les femmes inventent des désastres à leur manière. Le génie se trouve partout. Les créateurs de misère n’attendent pas l’inclémence de la nature pour susciter, parfois volontairement, avec une stratégie cognitive bien choisie, des déluges politiques (pays lock), des cyclones économiques (120 gourdes ou plus pour un dollar), des désastres écologiques (la coupe des arbres, le trafic de charbon), des tsunamis dans l’éducation (fermeture de l’école), le marronnage des esprits (le confinement)», regrette-t-il.
Gladimy Ibraïme
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