Dans le nouveau local flambant neuf de l’Organisation de développement et de lutte contre la pauvreté (ODELPA), situé à Delmas 54, les 10 et 11 avril 2021, une soixantaine de leaders communautaires membres d’organisations de la société civile ont suivi une séance de sensibilisation et d’éducation sur le VIH et le sida. L’initiative est de l’Odelpa, avec le support technique de Georgetown university, dans le cadre du projet Tide. Elle participe de la mission d’ODELPA : contribuer au développement de la personne humaine par la formation et l’éducation.
L’enjeu de cette session était de recueillir des propositions susceptibles d’aider à l’élimination des nouvelles infections à vih, d’ici 2030, tout en bloquant du même coup le développement du virus dans l’organisme des personnes jusque-là infectées. Tel est le résumé de cette fameuse équation : I = I (indétectable = intransmissible).
La salle de conférence du bureau de l’ODELPA est comble. L’ambiance, en ce samedi matin est animée. L’heure est à la réflexion. Quelle stratégie faudrait-il adopter afin de venir à bout du vih, cette pandémie mondiale? Participants, organisateurs, chacun à une expérience, un constat, un témoignage à partager avec les autres sur la réalité du virus en Haïti, actuellement.
C’est la présidente de l’Odelpa, madame Friceline Raton, qui a ouvert le débat, avec une présentation sommaire de cette association créée en 2007 et qui a pris le statut d’ONG en 2013. Elle en a profité de l’occasion pour faire une mise en contexte de ces deux journées de sensibilisation. « Combattre le vih exige la participation de tout le monde. Vous, en tant que leaders communautaires issus d’organisations de la société civile, avez votre rôle à jouer. C’est pourquoi vous êtes ici ce matin. Impliquez-vous davantage pour sortir Haïti du cercle vicieux des nouvelles infections à VIH d’ici à 2030 », a déclaré madame Raton, à l’assistance, composée de leaders religieux, de jeunes, de femmes, de représentants d’associations de PVVIH et de minorités sexuelles.
Au cours de ces deux journées de sensibilisation, la directrice exécutive de l’Odelpa, Sœurette Policar Montjoie, faisant office d’animatrice d’ateliers, a assuré des présentations intenses sur le vih – La stigmatisation et la discrimination – La prise en charge de l’infection à vih – Le développement de nouveaux programmes de préventions et de traitement du virus.
Dans la perspective des Objectifs de développement durables (ODD) adoptés par les Etats membres de l’organisation des Nations-Unies, en 2015, l’Odelpa s’engage à fournir aux bénéficiaires de ses séances d’éducation et de sensibilisation, les stratégies nécessaires pour lutter contre la propagation du virus dans le pays, en particulier, chez les groupes vulnérables.
L’ouverture des débats
« C’est quoi le VIH et le sida? Quelle différence existe-t-il entre ces deux concepts? Quelles sont les différents modes de transmission du virus? ». C’est autour de ces différentes questions techniques que les débats se sont tournés. Chaque participant a une opinion ou un commentaire à faire passer. Ces exposés vont au-delà de ces questions techniques.
Pour certains participants, le vih et le sida ne sont pas seulement une simple question de santé publique. Il s’agit en fait d’un problème sociétal dont ses conséquences dépassent largement les frontières. Pour d’autres, ce fléau mondial a des impacts considérables sur l’économie des ménages, pourvu que l’infection frappe en particulier les jeunes de 15 à 49 ans. Ce groupe, de l’avis de ces participants, constitue en général la force de travail d’un pays.
Nytale Pierre, est journaliste, animatrice d’une émission de santé « Santé m se priyorite m », sur Télé Éclair, depuis 7 ans maintenant. Pour elle, le vih peut être considéré aujourd’hui, comme une discipline scientifique, un domaine d’études. La journaliste spécialisée dans le traitement et la diffusion des informations de santé, a pris en exemple l’évolution de la maladie du début des années 80 à nos jours. « 40 ans plus tard, nous devons constater que des progrès considérables ont été apportés, dans le dépistage de l’infection, la prise en charge et le traitement des personnes infectése. Plus que ça, aujourd’hui la perception d’une bonne partie de la population sur la maladie s’est fortement améliorée », souligne la journaliste membre du Réseau haïtien de journaliste de la santé (RHJS).
Le débat se poursuit
A mesure que le temps passe et que les interventions se succèdent, les débats deviennent de plus en plus intéressants. La salle est animée. Ça s’échauffe. Un participant membre d’une association d’homosexuelle avance que le Vih/sida n’est pas seulement une question médicale. Elle est aussi mystique. Il tente de justifier que la maladie du sida peut être aussi occasionnée par un mauvais sort (Mort sida). « Ces cas sont monnaie courante dans le pays », veut-il faire croire.
Johnny Lafleur (Ziane) pour ses proches, un homosexuel confirmé, recadre son collègue. « Comment peux-tu justifier ces informations ?», demande-t-il à l’autre intervenant. « Moi, en plus d’être homosexuel (massissi), je suis aussi prêtre vaudou. Ces idées préconçues, ces rumeurs n’ont aucune portée scientifique. Elles ne visent qu’à perpétuer la haine vis-à-vis des vodouisants. Elles découragent aussi une personne atteinte du vih de se diriger vers un centre de santé, pour un test de dépistage suivi d’une prise en charge et des traitements appropriés », déplore Ziane qui est aussi un activiste du sida.
A cette phase des débats, Sœurette Policar Montjoie, l’animatrice du jour, revient sur l’un des objectifs de cette série d’ateliers d’éducation et de sensibilisation sur le vih. Ces activités, a-t-elle souligné, visent notamment à doter les leaders communautaires d’outils d’information nécessaire sur la problématique du vih et du sida.
Haïti compte actuellement 160 mille personnes vivant avec le vih/sida (PVVIH), pour une prévalence de 2%, le taux le plus élevé de la région des Caraïbes. En matière de traitement, en dépit des efforts consentis par le ministère de la Santé publique et ses partenaires, à ce jour, seulement 112 000 PVVIH sont sous médicament antirétroviral, selon le dernier rapport du programme national de lutte contre le sida (PNLS), publié en 2020.
Louiny FONTAL
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