La sécurité, un incontournable déterminant de la santé

Une peinture sur l’envie de vivre en paix

La paix est un bien public. On a intérêt à le cultiver parce qu’il compose avec le goût du calme, la capacité à vivre d’entente avec l’autre et parce qu’il est aussi facteur de développement et de prospérité. Toute paix s’épanouit dans un climat de sécurité. Physiquement, cette sécurité se présente comme un abri, une situation qui nous met en confiance, loin du risque et du danger. Ce droit à la sécurité, la première des libertés, en tant que valeur, est foulé aux pieds. À présent, il n’est pas garanti par les forces de l’ordre. L’État, qui a le monopole de la violence, le partage avec d’autres forces meurtrières sur le territoire. Ces forces ont pour nom : Senk Segonn, 400 Mawozo, Baz Pilat. Les gangs poussent comme des champignons et nous laissent tétanisés.

Les oiseaux de la paix

Nous assistons, les cheveux dressés sur notre tête, à des sommets de barbarie. Les bandits dépècent les corps de leurs victimes. À travers les vidéos qu’ils publient sur les réseaux sociaux, ils brandissent certaines parties du corps de leurs victimes, les brûlent et les mangent avec jubilation. Pour tout banaliser, ils jettent ce qu’il en reste des corps dans des brouettes comme de la viande d’animaux sortie de la boucherie.

Ils sont en train de nous dire qu’Haïti est un espace où le peuple est livré à lui-même. Seulement, lorsque ce peuple revendique ses droits, les forces de l’ordre, au nom du gouvernement, ont la capacité de bastonner, de piétiner et d’écraser tout mouvement populaire. Et, pour comble de malheur, les policiers s’entre-tuent. Comme le souligne l’inquiétude du Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) dans un tweet : “ Ces actes de violence fratricide fragilisent la cohésion indispensable à @pnh_officiel afin que l’institution puisse remplir sa mission de servir et de protéger.”

Par les temps qui courent, la paix et la sécurité sont devenues des denrées rares. Ces produits sociaux modulés comme valeurs dans les rapports de bon commerce de l’un avec l’autre sont autant de déterminants de la santé qui manquent  cruellement en Haïti.

Aujourd’hui, tous les secteurs de l’activité nationale sont minés, métastasés par le virus de l’insécurité, devenu carrément une épidémie, un fléau.

Un appel à la conscience

Le Réseau haïtien de journalistes de la santé (RHJS), dans ce contexte, ne peut pas rester indifférent sous prétexte qu’il est uniquement une association de professionnels militant dans le domaine de la santé.

Devant ce chaos nous faisons appel à la conscience citoyenne de tout un chacun pour faire prévaloir l’intérêt général. La paix et la sécurité, éthiquement, sont des biens publics qui nous appellent à faire front commun pour libérer Haïti de cette épidémie d’insécurité qui paralyse le pays.

En tant qu’association de journalistes œuvrant dans le secteur de la santé, nous devons sans cesse rappeler la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». De plus, « la santé résulte d’une interaction constante entre l’individu et son milieu » et représente donc « cette « capacité physique, psychique et sociale des personnes d’agir dans leur milieu et d’accomplir les rôles qu’elles entendent assumer d’une manière acceptable pour elles-mêmes et pour les groupes dont elles font partie ».

A partir de cette définition, on peut aisément comprendre pour qu’il y ait bien-être, divers facteurs doivent concourir en vue de faciliter l’épanouissement de la vie dans son ensemble. Et là, nous associons toutes les espèces de la flore et de la faune de notre écosystème.

À partir de cette lecture, on comprend qu’il reviendra toujours à la noble mission du RHJS de  mettre sous la lumière ce droit fondamental de tout être humain.

Des faits révoltants

Venons en aux faits. L’événement le plus révoltant date du vendredi 12 mars 2021. Les mots manquent au RHJS pour décrire la déconfiture de la Police nationale d’Haïti (PNH). Avilissant. Selon le haut commandement de la PNH, quatre policiers ont péri dans l’opération visant à déloger les bandits du gang Senk Segonn, basé à Village-de- Dieu. 8 agents de l’institution policière en sont sortis blessés et un autre est porté disparu.

La fondation Je klere, dans un rapport publié en marge du drame, parle, quant à elle, de six (6) policiers lâchement exécutés. La note de la PNH reconnaît – une  semaine plus tard – que la PNH a perdu cinq policiers lors de l’opération qui a viré à la tragédie : Georges Renois Vivender, Désilus Wislet, Eugène Stanley de l’unité SWAT et Ariel Poulard de la BOID, Lucdor Pierre. Quel drame ! Quel affront national !

Dans l’après-midi du dimanche 14 mars, des individus lourdement armés ont pénétré dans l’enceinte de l’Hôpital général de l’Université d’Etat d’Haïti et ont abattu froidement un patient menotté, sous l’œil du personnel soignant du service  de médecine interne, dépassé par les événements.

Depuis quelque temps, l’hôpital n’est plus un havre où le patient, sans crainte, peut recevoir des soins appropriés. L’hôpital est-il en passe de devenir l’antichambre du cimetière ?

Ces faits sont monnaie courante dans nos institutions sanitaires. Un autre exemple : au début de l’année dernière, toujours à l’HUEH, des bandits ont violé l’espace public. En quête de leur proie, ils n’ont pas hésité à mettre le grappin sur un patient grièvement blessé qui recevait des soins à la salle des urgences. Ils l’ont traîné hors des murs de l’hôpital et l’ont achevé.

Où est la sécurité publique ?

Quand un patient est sauvagement traîné hors de l’hôpital où il est censé avoir une sécurité pleine et entière, un message est lancé. Il traduit le degré de pourrissement de la situation sociopolitique du pays. La vie ne vaut plus rien. « Nous mourrons tous ! », tel était le cri de Délira Délivrance, un personnage de Jacques Roumain, dans Les Gouverneurs de la Rosée.

Si nous remontons à l’incident survenu à l’Hôpital universitaire La Paix, à Delmas 33, nous verrons que le tableau de l’insécurité n’est pas différent. Dans la nuit du 9 au 10 mars 2019, un ex-commissaire du gouvernement près le tribunal civil de Croix-des-Bouquets et sa compagne, une policière au grade d’agent III, ont semé la pagaille dans l’enceinte du centre hospitalier. D’après le syndicaliste Patrick Estimé, plusieurs blessés ont été recensés.  Au cours de cette soirée de haute tension, les malades, paniqués, ont dû vider les lieux. (Coup de feu à l’hôpital la paix, publié sur le site du rhjs).

Les exemples sont nombreux. Ils sont les uns plus cruels, plus atroces que les autres. Leurs conséquences sur la population sont encore plus catastrophiques, plus chaotiques. Des enfants orphelins, des veuves, des estropiés, des disloqués mentaux et des familles entières plongées dans le deuil, dans le désarroi. Impuissant, l’État ne fait que constater les dégâts. Dans certains cas, il affiche le silence de cimetière. Pas un communiqué, même pas un tweet. Dans d’autres cas, il annonce la couleur, publie des communiqués, organise des réunions d’urgence, prend des arrêtés, fait semblant d’identifier les causes de ce mal qui nous ronge jusqu’au plus profond de nos entrailles.  Entre-temps, la population continue à sombrer dans la déchéance la plus totale, dans cette insécurité la plus abjecte qui nous  attrape par la gorge en attendant une lueur d’espoir, qu’un vent de paix puisse enfin souffler sur le pays.

Auteurs de l’article : Louiny Fontal, Gladimy Ibraime, Odilet Lespérance  Réseau haïtien de journalistes de la santé (RHJS) Source : lenouvelliste.com

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