Le café est l’un des produits agricoles haïtiens destinés à l’exportation tout comme la mangue francisque. Ces produits permettent au pays de rentrer des devises et maintenir du même coup, sa balance commerciale à un certain niveau.
Dondon, commune du département du Nord, réputée zone de production caféière par excellence, a subi de plein fouet les impacts de la Covid-19, pandémie qui n’a pas épargnée Haïti.
En plus des problèmes récurrents, tels que les maladies ( rouille et scolyte), la sécheresse, le déboisement à outrance, qui affectent depuis toujours le développement de cette filière, l’épidémie du nouveau Coronavirus a, en quelque sorte, enfoncé le clou.
Pour Luctoine Bien-Aimé, 69 ans, qui pratique cette culture depuis sa tendre enfance, la Covid-19 a eu des conséquences néfastes sur les moyens de subsistance des agriculteurs.
« A Dondon, ce sont les coopératives caféières qui nous permettent d’écouler nos produits. C’est ainsi depuis toujours », explique le cultivateur.
« Deux fois par an, nous approvisionnons en café l’une des trois coopératives caféières de la place qui sont chargées de les exporter à l’étranger. Une fois l’expédition effectuée nous recevons de la coopérative une première rente sur la vente. La deuxième partie, nous parvient six mois plus tard, le plus souvent au mois de juillet de chaque année », raconte ce père de famille de 8 enfants, dont la femme vit avec un handicap moteur depuis tantôt 19 ans.
Luctoine Bien-Aimé déplore qu’à date, il n’a reçu pas même un sou pour les ventes effectuées depuis le mois d’octobre 2019.
« Les activités scolaires et académiques sont déjà reprises depuis plusieurs mois maintenant. J’ai trois enfants qui sont encore à l’université. Tous sont dans des universités privées. À date, je continue à me demander comment vais-je faire pour répondre à mes obligations, alors que je ne compte que sur les retours liés à la vente de Café», se désole le producteur.
Anitia est aussi productrice de café à Dondon. Elle cultive avec son mari, plus d’un hectare de terre. Cette jeune femme de quarante ans bosse aussi dans une coopérative d’achat et d’exportation de café. Son travail consiste, aux côtés d’autres jeunes femmes comme elle, à laver, trier et ensacher les meilleurs grains de café, après les avoir séchés au soleil.
Anitia est tout aussi affectée par l’impact de la Covid-19 sur cette activité dysfonctionnelle depuis le 19 mars dernier, date de la découverte des premiers cas de la maladie dans le pays.
Cette mère de famille, qui n’arrive pas à joindre les deux bouts exprime ses regrets : « L’année dernière, mon mari et moi avions investi tout notre argent dans la création d’une pépinière de caféiers, pour remplacer les anciennes plantes. Nous avions ainsi misé sur l’argent que nous allions gagner dans les cafés que nous avions vendus au cours de la même année. C’était malheureusement un très mauvais calcul. »
Dondon, 26 000 habitants, située à 32 kilomètres, à l’entrée Sud-est du Cap-Haïtien, sur la nationale numéro 3, est une commune bénie. Le coronavirus n’a pas eu d’impact sur la santé de la population. Mais, sur le plan économique la situation reste alarmante. Pourtant, beaucoup d’agriculteurs, au début de la crise avaient abandonné leur champ par crainte de cette épidémie. Aussi les coopératives d’achat et de commercialisation du café ont dû fermer leurs portes. Une situation qui a rendu vulnérable les ménages les plus faibles.
Agronome Bien-Aimé est natif du Dondon. Il travaille depuis une quinzaine d’années à la formation des techniciens agricoles, à l’école moyenne d’agriculture, située dans la commune. Agronome Bien-Aimé vit de l’agriculture. Il est d’ailleurs classé parmi les plus grands producteurs de café de cette commune. En dépit des moyens dont il dispose pour répondre à ses besoins primaires, le spécialiste en agriculture souligne avoir connu un début d’année difficile sur le plan économique, occasionnée par l’épidémie de coronavirus qui continue de faire des victimes dans le pays.
« Écoute, c’est triste. Le coronavirus nous a mis à genou. Nous sommes KO. C’est le Bon Dieu qui nous garde encore en vie », explique l’entrepreneur agricole, attristé.
Bien-Aimé déplore la façon dont le ministère de l’Agriculture a traité les agriculteurs du pays, durant la période de Covid-19. « A Dondon, le MARNDR nous a complètement négligés dans ces moments difficiles où sa présence devait être inévitable», constate le jeune technicien.
Pour diminuer le choc économique que l’impact du coronavirus peut entraîner sur les agriculteurs, en particulier, ceux de la commune du Dondon, Agr Bien-Aimé insiste sur un plan de relance de la production agricole un peu partout à travers le pays, notamment à Dondon. Cette commune du département du Nord-est potentiellement agricole. Le café, la banane et l’igname sont les principales denrées agricoles de Dondon dont ses 26 000 habitants ont du mal à se relever des impacts du nouveau coronavirus.
Louiny FONTAL
fontallouiny1980@gmail.com
Fontal Louiny est journaliste, secrétaire administratif du Réseau Haitien de journalistes de la santé (RHJS)
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