Il est temps d’ouvrir grands nos yeux sur la santé mentale en Haïti. Après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, de plus en plus de gens ont besoin d’un appui psychologique. Cependant, le budget total alloué à la santé mentale représente seulement 1% du budget du ministère de la Santé publique.
Le lundi 10 octobre ramènera la journée mondiale de la santé mentale. Ce moment offrira aux décideurs de la République et à la société civile l’opportunité de se pencher sur ce phénomène. Force est de constater qu’ils sont nombreux, à Port-au-Prince, les personnes souffrant de troubles mentaux après le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Pourtant dans la sphère de la santé mentale, nos ressources humaines sont limitées. D’après une note du Ministère de la Santé publique et de la Population (MSPP), il n’existe que « 27 psychiatres pour tout le pays (70% dans le secteur privé et ONG), et 194 psychologues ou étudiants finissants en psychologie (dont 2% dans le secteur public). » La note du MSPP poursuit que « tous les soins de santé mentale ambulatoires ainsi que les interventions à base communautaire reposent sur les services offerts par le secteur privé, les organisations non gouvernementales nationales et internationales ».
Après la terrible tragédie du 12 janvier, certains individus souffrant de psychose réclamaient l’intervention d’un psychiatre. Or, nous n’avons que deux hôpitaux psychiatriques situés dans le département de l’Ouest (« Mars and Kline » et « Défilé de Beudet »). « Ces services ainsi que ceux dédiés à la santé mentale ne sont pas intégrés dans le système de santé publique. »
Une population qui vit dans un environnement vulnérable est surexposée aux catastrophes naturelles, traumatisant pour son équilibre psychique. Ils sont nombreux les personnes qui portent dans leur chair et leur esprit les stigmates du séisme. Combien parmi eux ont perdu un être cher, un ami et parfois tous les membres de leur famille ?
Regard actif sur les comportements singuliers dans les rues
Si on se promène, le regard actif, à travers les rues de Port-au-Prince, le tableau des troubles mentaux se révèlera à l’observateur. La grande détresse humaine est là, touchante, et vous fend le coeur. Vous rencontrerez des hommes et des femmes déambulant nu, des jeunes s’identifiant à des zombies, se barbouillant le visage de farine ; enfermés dans l’épaisseur de leur solitude, ils monologuent à haute voix et rient très fort. 12 janvier a altéré le sens de la réalité et de soi dans un environnement chaotique. Les familles désoeuvrées survivant sous des tentes sont autant de sources d’angoisse, de souffrance psychique. Telle mère désarmée, réduite à la mendicité regarde sa fille (adolescente) porter un bébé pour son voisin de camp qui végète dans la misère. La vie dépérit, se disloque et se vide de son sens. Combien de personnes qui ont tout perdu ont fini par perdre la tête dans ces endroits déshumanisants ?
Pour une garantie d’équilibre
On est en droit de se demander quelle politique le nouveau gouvernement compte-t-il mettre en place pour encadrer les plus vulnérables. Ces citoyens à part entière ont droit à la santé. Quand la famille a failli, l’Etat, représentant de la collectivité, a l’obligation d’assurer ce droit dont l’individu est dépositaire.
Une bonne santé mentale est une garantie d’équilibre dans la communauté. Bien entendu, cet équilibre participe de tous les aspects de la vie de la personne. L’équilibre est physique, psychologique, spirituelle, sociale, culturelle, économique et environnementale. Beau rêve ! dira-t-on, pour un pays dont le sens de la vie s’est brisé sur le mur des dures réalités. Le document du MSPP rappelle qu’« il n’existe actuellement ni politique, ni plan, ni législation sur la santé mentale en Haïti. Le budget total alloué à la santé mentale représente seulement 1% du budget du ministère de la Santé. »
On est encore loin de cet état de bien-être satisfaisant et d’équilibre qui permet à la personne d’exercer pleinement ses capacités intellectuelles. Quand on est en Haïti, disent les gens du peuple, il ne faut jamais tomber malade. Le ministère de la Santé publique – qui commémorera cette journée sur le thème « Un grand effort, investir dans la santé mentale » – devra réaliser un grand plaidoyer sur la problématique des maladies mentales.
Claude Bernard Sérant
Source : Le Nouvelliste.com