Dans cet article signé par le Représentant de la FAO en Haïti, José Luis FERNÁNDEZ, l’organisation fait des recommandations en vue de limiter l’impact du Covid-19 sur la sécurité alimentaire. M. FERNÁNDEZ en a profité pour faire état du support de la FAO au gouvernement haïtien dans le contexte de la crise sanitaire actuelle. Lisez l’article repris ci-après dans son intégralité.
Port-au-Prince, 14 avril 2020.- Le trajet que suivent les aliments, des parcelles agricoles jusque sur nos tables, implique un large réseau d’acteurs : producteurs ; fournisseurs d’intrants agricoles ; entreprises de transformation alimentaire ; stockage ; transport ; distribution et mise à disposition des produits dans les points de vente.
Ce vaste réseau assurant l’approvisionnement alimentaire se trouve aujourd’hui confronté à une grande complexité à mesure que les cas de contamination du virus COVID-19 augmentent, et que les Gouvernements prennent les mesures nécessaires pour limiter sa propagation et garantir la santé des citoyens.
En Haïti, bien avant la propagation du nouveau coronavirus, la situation de l’insécurité alimentaire était alarmante. Selon l’analyse du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) conduite en Octobre 2019 au niveau national, 12 % (1 203 000 de personnes) de la population analysée est en phase d’urgence (IPC, phase 4), et 28 % (2 898 000 de personnes) en phase de crise (IPC, phase 3), représentant approximativement 40 % de la population analysée, soit 4,10 millions de personnes qui auront besoin d’une assistance d’urgence.
Les troubles socio-politiques, la dégradation des conditions de sécurité, le taux d’inflation (20,1%%, septembre 2019) et la hause des prix en glissement annuel (20,30%, octobre et novembre 2019) selon la Banque de la République d’Haïti (BRH, octobre–décembre 2019), ont largement réduit l’accès à la nourriture des ménages les plus pauvres. Dans les zones rurales, la persistance du phénomène El Niño caractérisé par une sécheresse prolongée depuis 2018 jusqu’au premier semestre de 2019 dans plusieurs Départements du pays, a affecté la production des principales cultures, notamment les céréales (maïs, riz et sorgho) et les haricots/pois, entraînant une baisse de 12,3% de la production agricole nationale par rapport à celle de l’année dernière, qui était elle-même inférieure à la normale.
La baisse de la production agricole et les crises sociopolitiques et économiques, avec des manifestations violentes de juillet à novembre 2019, ont engendré d’importantes pertes de revenus pour les ménages vivant directement et indirectement de l’agriculture. En outre, depuis plus d’un an, le pays a vu les investissements directs étrangers chuter causant le chômage des salariés du secteur touristique, entre autres. Récemment, des économistes ont estimé le taux de croissance de l’économie haïtienne sur 12 mois à – 0,9%, taux le plus bas depuis 2010, année du tremblement de terre.
Cette situation a réduit la capacité des ménages les plus pauvres à accéder à la nourriture et conduit à la mise en place de stratégies d’adaptation négatives affectant sévèrement leurs moyens d’existence. Elle se traduit également par une prévalence de l’insécurité alimentaire aiguë et des taux élevés de Malnutrition Aiguë Globale dans les zones les plus touchées. Celle-ci risque de se détériorer avec la propagation du COVID-19 qui pourrait affecter la réussite de la campagne agricole de printemps.
Recommandations de la FAO
L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) fournit une assistance technique à 193 pays dans le monde, dont Haïti. Dans la perspective de limiter la propagation du COVID-19, elle a formulé des recommandations générales aux pays en ce qui a trait notamment à la nécessité de minimiser les interruptions dans les chaînes d’approvisionnement alimentaires et assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des plus vulnérables dans le contexte de la crise sanitaire actuelle.
En premier lieu, elle recommande de renforcer les systèmes de protection sociale afin d’atténuer l’impact de la crise sur les catégories les plus vulnérables de la population.
En deuxième lieu, la FAO préconise d’éviter les mesures affectant le fonctionnement et la traçabilité du marché alimentaire mondial, une leçon tirée des effets causés par les mesures prises par certains pays sur le marché du riz et qui ont généré une inflation globale sur un groupe de céréales. En troisième lieu, il est suggéré de prendre en compte les mesures nécessaires pour garantir la circulation des travailleurs dans les secteurs clés et de mettre en place des mécanismes efficaces pour garantir la récolte et le transport des aliments.
En quatrième lieu, il est crucial d’éviter la pratique du stockage excessif des aliments, car beaucoup d’entre eux peuvent entraîner des pertes et gaspillage dans les prochains mois et altérer le flux normal de la consommation des ménages. En dernier lieu, il convient de souligner les effets de la forte dévaluation de nombreuses devises par rapport au dollar américain, ce qui affectera inévitablement les pays plus dépendants des importations, dont Haïti.
À la lumière de tout ce qui précède, il est évident que le défi du système alimentaire dans ce contexte est grand, en raison de la multiplicité des acteurs et des variables qui interviennent. Pour cette raison, une cohésion entre le Gouvernement, le secteur privé, la société civile et les organisations internationales, est déterminante pour donner des réponses sur tous les fronts et accompagner les communautés vulnérables face à une éventuelle augmentation du taux de prévalence de la faim dans le monde et en Haïti en particulier où 4,10 millions de personnes sont menacées d’insécurité alimentaire.
Plan de réponse de la FAO pour limiter l’impact du COVID-19 sur la sécurité alimentaire en Haïti
La FAO travaille conjointement avec le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) afin de garantir la réussite de la campagne agricole de printemps en mettant à contribution ses fonds propres et ceux du Fonds Central d’Intervention d’Urgence des Nations Unies (CERF) pour apporter une assistance agricole à 26 300 ménages (131 500 personnes) dans les Départements du Nord’Est, du Nord’Ouest, des Nippes et de la Grand’Anse.
Pour atténuer l’impact négatif du virus sur les communautés rurales d’Haïti qui sont les plus vulnérables, la FAO a mobilisé un financement additionnel (CERF) dans le cadre du Plan de Réponse Humanitaire des Nations Unies à la pandémie COVID-19. Ces fonds serviront à augmenter de 4 000 ménages (20 000 personnes) le nombre de bénéficiaires d’intrants agricoles et mettre en œuvre des activités de sensibilisation et de communication contre la propagation du COVID-19 dans les zones rurales les plus touchées par les crises. Lors des interventions d’urgence pour la relance des activités agricoles durant la saison de printemps, la FAO s’engage à respecter les consignes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et du Gouvernement relatives aux mesures de prévention et précaution visant à lutter contre la propagation du COVID-19.
José Luis FERNÁNDEZ
Représentant de la FAO en Haïti
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