« Pa gen manti nan sa. Koronaviris sou nou », s’est écrié Louiny Fontal, un membre du Réseau haïtien de journaliste en santé (RHJS) devant son poste de télé au moment où le président de la République Jovenel Moïse, entouré de ses ministres, des directeurs généraux et des secrétaires d’État fait son adresse à la nation : « Selon les derniers résultats des tests effectués au Laboratoire national, nous avons enregistré deux (2) premiers cas de coronavirus en Haïti. »
Puisque le Laboratoire national a confirmé ces deux cas de Covid-19 en Haïti, le gouvernement décrète l’état d’urgence sanitaire.
Désormais, plus de « Bondye bon. Nou gen twòp pwoblèm Bondye pap kite sa rive an Ayiti », se dit consciemment Louiny, reconnu comme l’une des chevilles ouvrières qui avait rendu possible, le vendredi 6 mars, la signature d’un protocole d’accord entre le réseau haïtien de journalistes en santé (RHJS) et l’Association des journalistes haïtiens (AJH) pour sensibiliser la population sur les mesures à adopter pour lutter contre le covid 19.
Il se dit que la nouvelle est tombée dans un pays qui n’a que 124 lits de soins intensifs pour plus de 10 millions d’habitants. Il se rappelle que le secrétaire général du RHJS, le Dr Odilet Lespérance, lors de son intervention à la rubrique Le Point de radio Métropole s’était alarmé.
Devant son téléviseur, Louiny pense au transport en commun où les gens sont entassés comme des sardines. Il écoute attentivement le président:« Le pays passe automatiquement à la phase 2 de l’épidémie. Les écoles, les centres de formation professionnelle, les universités seront fermés dès ce vendredi. L’Etat a pris toutes les dispositions pour fermer les usines de la sous-traitance à partir de ce vendredi. Le gouvernement déclare un couvre-feu sur toute l’étendue du territoire national entre 8h du soir et 5h du matin à partir de ce vendredi. Nous avons créé un conseil scientifique pour éclairer les décisions publiques. Le gouvernement interdit sur toute l’étendue du territoire les rencontres, réunions et rassemblements de plus de dix (10) participants. Pour assurer la continuité dans les services publics et pour protéger les employés de l’État, nous demandons aux ministres, directeurs généraux, etc. de faire respecter la distanciation sociale. Le gouvernement décide d’adopter une rotation hebdomadaire de 50 % du personnel non-essentiel de l’administration publique. L’autre moitié devra faire le télé-travail. Un groupe de travail spécial est créé pour analyser et recommander au gouvernement des mesures qui permettront de faire face aux impacts économiques de la pandémie. Ce soir, à partir de minuit, tous les ports et aéroports du pays seront fermés jusqu’à nouvel ordre pour le transport des personnes. Le transport des marchandises est toujours autorisé ».
Ce que Louiny Fontal avait redouté est arrivé. Assis devant son petit écran, il repasse dans sa tête, l’image des marchandes dans nos marchés insalubres, nos hôpitaux vulnérables face à cette pandémie qui secoue même les systèmes de santé des pays européens tel l’Italie. Il écoute encore la voix ferme et déterminée du président qui lui donne l’impression que l’autorité de l’État va prendre le dessus en ces heures graves.
« C’est le moment où la solidarité de l’union qui fait la force ne doit pas être un slogan pour entrer en guerre contre le covid 19 », se répète résolument le journaliste du RHJS.
Claude Bernard Sérant