« Si rien n’est fait pour stopper cette machine de croissance, la population haïtienne atteindra, d’ici à 2030, la barre des 15 millions de personnes», a affirmé d’un ton ferme, le spécialiste en santé sexuelle et reproductive, Dr Stéphane Docteur. Ce manager des services médicaux, au sein de l’Organisation haïtienne de marketing social pour la santé (OHMaSS), à la séance de formation, le vendredi 12 avril, à l’hôtel Best Western (Pétion-Ville), à l’intention des journalistes de la capitale, a fait comprendre que «l’urgence n’est pas de venir avec des solutions cosmétiques pour parler de développement du pays. Il faut plutôt identifier le vrai problème qui n’est autre que cet accroissement galopant de la population, et fermer une fois pour toute cette vanne », a-t-il déclaré aux journalistes à cette journée de sensibilisation. Notons au passage qu’une quarantaine de travailleurs de la presse issus de différents médias de la capitale ont pris part de façon séparée à deux journées de sensibilisation les 11 et 12 avril 2019.
En effet, la démographie haïtienne constitue l’un des grands enjeux de développement, en ce début du 21e siècle. Haïti, l’un des pays les plus vulnérables du monde, sur le plan socioéconomique et environnemental comptait, en 2018, plus de 11 millions d’habitants, selon le rapport de l’Enquête sur la mortalité, la morbidité et l’utilisation des services (EMMUS VI), publié en août 2018.
Les défis sont de taille dans un contexte marqué par l’instabilité sociopolitique et économique, les inégalités, le chômage, les catastrophes naturelles à répétition occasionnées par des phénomènes anthropiques et le changement climatique.
Comment continuer à réduire les taux de fécondité, qui, jusqu’à aujourd’hui, s’élèvent à 3 enfants par femme en Haïti, contre 3,9 qu’ils étaient, il y a environ 15 ans ?
Pour le directeur commercial de la Distribution et promotion de produits pharmaceutiques (DISPROPHAR), Dr Malherbe Daniel : « Plus besoin de chercher midi à 14 heures, pour trouver la réponse à cette question. La recette est connue de tous. Dans les journaux, à travers la radio et la télévision, dans les centres de santé, on ne cesse de placer les bienfaits de la contraception dans une logique de développement ». Tout ce qui nous manque, a poursuivi l’homme d’affaire, dont son entreprise a rejoint OHMaSS en 2014, dans le but de coordonner des activités de d’importation, de distribution, de vente et de promotion à l’utilisation des méthodes contraceptives de marque Disprophar dans le pays, c’est une volonté manifeste de l’État. « Malheureusement, cet État semble n’être pas trop conscient de l’importance d’une telle démarche considérée comme la seule planche de salut vers un développement réel et effectif du pays », s’est-t-il désolé.
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Alors, que faire pour stopper définitivement ce robinet?
Pour mieux cerner cette question, l’homme d’affaire, est parti de l’hypothèse que la croissance démographique s’explique généralement par deux facteurs principaux. Il s’agit d’une part, de la migration, et, d’autre part, de l’accroissement naturel. En ce qui a trait au premier facteur, M Malherbe Daniel a précisé que dans le cas d’Haïti, le solde migratoire est négatif depuis la fin de la deuxième guerre mondiale (1939 – 1949). Cela sous-entend que le taux de l’émigration est largement supérieur à celui de l’immigration”
Pour Dr Malherbe, représentant de cette société haïtienne d’importation, de distribution et de promotion des produits pharmaceutiques et paramédicaux en Haïti, la croissance démographique élevée que connaît le pays est, par ricochet, « essentiellement dû à l’accroissement naturel, elle- même tributaire du nombre élevé de fécondité et de la baisse de la prévalence de la mortalité infantile ».
Les résultats de la 6e EMMUS, commanditée par le ministère de la Santé publique et de la population, montre une tendance plutôt à la baisse de l’indice synthétique de fécondité (IFS) au
cours de ces 15 dernières années. Si, en 2006, la moyenne de naissance par femme était de 5 enfants. Aujourd’hui, elle oscille autour de 2 enfants, selon que la femme se trouve en milieu urbain, et de trois pour celle vivant en milieu rural.
Un pas dans la bonne direction
Ce jeune médecin revenu sur la table des discussions aux côtés des journalistes a fait savoir que nous faisons maintenant « un pas dans la bonne direction ». Le spécialiste en santé sexuelle et reproductive s’est montré satisfait par rapport aux avancées enregistrées dans le domaine de la contraception au cours des deux dernières décennies. Il s’est servi des données sur la planification familiale disponibles dans le rapport de l’EMMUS pour corroborer ses propos. « En Haïti, 34 % des femmes de 15-49 ans utilisent une méthode contraceptive, essentiellement une méthode moderne (32 %), contre 3 % seulement pour les méthodes traditionnelles», précise le cadre de l’OHMaSS. Il s’est réjoui du fait qu’en l’espace de 25 ans, la prévalence contraceptive chez les femmes a pratiquement doublé, passant ainsi de 13% en 1994, à 34% actuellement. Il a toutefois souligné qu’il reste beaucoup à faire pour changer définitivement la perception des gens en matière de la contraception.
Pour atteindre les résultats escomptés, a poursuivi le jeune médecin, il faut qu’une véritable synergie entre les différents acteurs de la vie nationale se développe pour « freiner l’accroissement galopant de la population d’Haïti ». Et cette tâche n’est pas une affaire médicale ni de santé publique, c’est l’affaire de tout le monde. Aussi comprend-il que cette mission doit s’inscrire « dans un plan global de politique générale du pays. »
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