« Entre les médicaments, l’hospitalisation, les honoraires du médecin, j’ai dû dépenser plus de 150 000 gourdes pour que ma femme ait la vie sauve. Elle avait une éclampsie. La grossesse était presque à terme quand elle avait commencé à se sentir mal. Elle avait des inflammations des membres inférieurs, des bouffées de chaleur et des saignements. À ce moment-là, je n’avais pas d’autre choix que de l’emmener à un hôpital privé. Les hôpitaux publics étaient en grève. Le médecin qu’on avait rencontré m’avait expliqué que je ne devais pas perdre de temps si je ne voulais pas perdre et ma femme et mon enfant», raconte Ricardo, rencontré à l’hôpital Raoul Pierre-Louis accompagné de sa femme pour un suivi médical.
Son enfant, Nathan, attend le 9 octobre pour fêter ses deux ans. Il se porte bien. Sa mère aussi. Mais cette dernière doit effectuer des visites médicales régulières. « C’est ici que nous faisons le suivi parce que c’est moins coûteux», confie Ricardo. Ne disposant d’aucune police d’assurance, le père de famille a pu couvrir les frais de santé de sa femme grâce au support de sa famille et celle de sa femme. Ashaëlle est consciente qu’elle fait partie des plus chanceuses. Les gens qui ne peuvent se payer le luxe de dépenser une telle somme restent chez eux et meurent, attestent les résultats de la dernière Enquête sur la Mortalité, Morbidité et Utilisation des services (EMMUS VI) : « 58% des cas de personnes malades ou gravement blessées ne vont pas à l’hôpital en raison du coût trop élevé des soins de santé. »
Malgré plusieurs décennies de lutte contre la mortalité maternelle, 86% des femmes dans la catégorie la plus pauvre n’accouchent toujours pas en milieu hospitalier, alors qu’une hémorragie peut tuer une femme en bonne santé après deux heures si elle n’est pas prise en charge dans l’immédiat. De plus, le taux des naissances assistées par un personnel qualifié est faible, soit 37%, selon Health nutrition and population statistics. « Nos femmes meurent d’hémorragie, d’éclampsie et de pré-éclampsie, d’infection, de complications liées à l’avortement », a indiqué le Dr Roosevelt, gynécologue, soulignant que la plupart de ces complications apparaissent au cours de la grossesse et pourraient être évitées ou traitées.
1 525 dollars américains pour la prise en charge d’une éclampsie
L’hémorragie suite à des complications demeure la première cause de mortalité maternelle en Haïti. Pour prendre en charge une femme avec rupture utérine avec hémorragie immédiate, on a besoin 1 525 dollars américains. Pour une pré-éclampsie sévère, il faut 1 347 dollars », a expliqué le Dr Jean Patrick Alfred, indiquant que la part des dépenses publiques dans la santé oscille entre 9 et 10% et la part des dépenses publiques per capita est de 6, 56 dollars.
Au regard des chiffres, l’État accorde très peu d’importance à la santé. Des efforts notamment doivent être consentis pour pallier l’état alarmant de la santé maternelle en Haïti.
Avec un taux de mortalité estimé à 529 pour 100 000 naissances vivantes, Haïti remporte la palme dans la catégorie des pays de la Caraïbe et de l’Amérique latine ayant le taux le plus élevé de la mortalité maternelle. Les données du rapport de Save the children publié en 2013 font du pays le pire endroit pour enfanter dans la région. L’accès à des soins de santé de qualité, la disponibilité des services et du personnel qualifié représentent des barrières à l’accès aux soins pour des femmes.
« Il faut investir davantage dans les soins de santé primaires qui doivent être le premier niveau de contact avec le système de santé, l’échelon où les individus, les familles et les communautés reçoivent l’essentiel des soins (depuis la promotion et la prévention jusqu’au traitement, à la réadaptation et aux soins palliatifs), là où ils vivent et travaillent. C’est le premier niveau de notre système », a suggéré le Dr Alfred, responsable de la l’Unité d’étude et de programmation du MSPP.
« La santé n’a pas de prix, mais elle a un coût que quelqu’un doit financer. Il faut donc développer et mettre en œuvre un plan adéquat de financement durable de la santé de la population », a-t-il ajouté.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, le niveau élevé de mortalité maternelle reflète les inégalités dans l’accès aux services de santé et met en lumière l’écart entre les riches et les pauvres. Les femmes décèdent par suite de complications survenues pendant ou durant la grossesse ou l’accouchement.
Edrid St Juste
Le Nouvelliste