A l’auditorium du Lycée National de Cité-Soleil, le plus grand bidonville du pays, c’est l’émotion chez plus d’une centaine d’élèves du nouveau secondaire. Cris, murmures, chuchotement, l’ambiance était au rendez-vous dans cette grande salle, en ce jeudi 13 décembre 2018 lors d’une séance de projection débat sur la sexualité responsable et l’estime de soi réalisée à l’initiative du Réseau Haïtien de Journalistes en Santé (RHJS) avec le support de l’Unicef.
Ces adolescents ont eu l’opportunité de visualiser, avec l’encadrement des animateurs du réseau, le film « Pouki se mwen» du réalisateur haïtien, le Dr Réginald Lubin, sorti en 1995. Il s’agit d’un long métrage de 48 minutes mettant en scène un jeune homme, Jacob, issu de la commune de Mont Organisé, dans le département du Nord-Est, qui va rejoindre sa tante Célimène à Port-au-Prince, afin de poursuivre ses études classiques et universitaires. Entraîné par des jeunes de son nouveau quartier d’accueil, le jeune homme va entamer une aventure amoureuse avec Chantale. Celle-ci l’infectera à partir de rapports sexuels non protégés. Négligeant ses études au profit des activités malsaines de sa bande dont faisait partie Chantale, sa tante célimène va renvoyer Jacob à Mont Organisé, une commune montagneuse, située loin de la capitale bouillonnante de Port-au-Prince. De retour dans le Nord-Est, le jeune homme découvre sa séropositivité, après son mariage avec Rosie, une jeune fille de ce hameau perdu dans la campagne haïtienne.
A la fin du film, le protagoniste, Jacob, prodigue des conseils salutaires aux jeunes sur l’importance de se protéger du VIH/SIDA.
Christopher Augustin, 18 ans accomplis, est élève du nouveau secondaire IV au Lycée national de Cité Soleil. Il est conscient de la vulnérabilité des adolescents et des jeunes, tout comme lui, face au VIH/SIDA.
« L’histoire de Jacob, l’acteur principal du film : Pouki se mwen, m’a interpelé au plus haut point et m’a rappelé l’impérieuse nécessité d’être plus responsable sur le plan sexuel, afin d’éviter les infections sexuellement transmissibles, le VIH/SIDA, particulièrement », soutient le jeune élève, l’air rassurant. Christopher s’est proposé déjà comme un ambassadeur de bonne volonté afin, dit-il, d’aller sensibiliser les autres jeunes de son quartier marginalisés sur les impacts du SIDA, considéré jusque-là comme un véritable problème de santé publique.
Mêmes réactions du côté de Natacha une autre adolescente. Âgée de 17 ans, les réflexions de cette élève du nouveau secondaire II, sur la sexualité, considérée comme sujet tabou en Haïti, sont largement supérieures à son âge. « Le sexe est à l’âme, ce que la nourriture est au corps », a scandé l’adolescente, un brin ironique.
Ce boute-en-train a parodié cette phrase afin d’attirer l’attention de l’auditoire sur elle, dans le but de mieux faire passer son message.
« Ecoutez mes chers camarades, combien de Jacob et de Chantale, existent-ils à Cité-Soleil ? Personne ne sait. Mais, à mon humble avis, ils sont nombreux. Ils sont nombreux pour la simple et bonne raison que toutes les conditions liées à la propagation du virus du sida sont présentes dans la cité», a déploré la jeune élève. Elle cite notamment les difficultés sociopolitiques et économiques, la promiscuité, l’absence de centre de loisirs, etc…
En dépit de tout, Natacha invite ses pairs à ne pas se laisser prendre au subterfuge des lions déguisés en brebis. Elle les encourage plutôt à renforcer leur estime de soi, par des activités éducatives et ludiques.
Le Directeur général du Lycée National de Cité-Soleil, Monsieur Olgé MERCI, qui n’avait pas suivi tout le déroulement de cette projection-débat, s’est toutefois réjoui de la réalisation de cette activité au bénéfice des élèves. Il souhaite que d’autres activités socio-culturelles et éducatives du même genre soient reproduites à l’avenir, au lycée, tout comme dans d’autres établissements scolaires de la commune.
Cette activité participe d’une série de projections débats sur la sexualité responsable et l’estime de soi, réalisée au cours du mois de décembre 2018, dans des écoles, des églises et des organisations communautaires dans différentes zones de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince et à Jacmel, dans le département du Sud’ Est.
Ces projections ont été articulées autour d’une campagne de communication financée par le Fonds des Nations-Unis pour l’enfance (UNICEF), à travers le projet ALL IN.
ALL IN (Tous ensemble) est une nouvelle plateforme d’action contre l’épidémie du sida chez les adolescents. L’initiative est chapeautée par ces structures : ONUSIDA, UNICEF, OMS, PEPFAR, Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Fondation MTV Staying Alive et des mouvements de jeunes regroupés au sein de PACT et Y+. Lancé en 2015, ce programme vise l’intégration des adolescents aux processus décisionnels qui ont un effet direct sur leur vie.
Le programme est axé sur quatre principaux domaines d’action : engagement, mobilisation, autonomisation et inscription des adolescents en bonne place des programmes politiques de lutte contre le VIH/SIDA.
En Haïti, ce programme se veut innovant en matière de lutte contre le VIH/sida chez les adolescents de par le monde. Il a été lancé officiellement, le 10 septembre 2015. A ce jour, beaucoup d’activités en faveur des jeunes ont été initiées, notamment par le Fonds des Nations-Unies pour l’enfance, UNICEF.
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